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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/309

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eût eu le temps d’obtenir un jugement régulier, et il voulait m’effrayer pour conclure avec moi un arrangement plus favorable. C’était une satisfaction que j’étais bien résolu à ne pas lui donner ; et je pris un air d’assurance qui décida bientôt mon compagnon à s’éloigner. Quelques minutes après, la porte de la prison pour dettes se refermait sur moi. J’avais un peu d’argent, et, éprouvant une vive répugnance à être enfermé avec la compagnie que je trouvai réunie dans la grande salle, je parvins à me faire donner une petite chambre assez mal meublée.

Ces préliminaires étaient à peine terminés, que Neb arriva avec mon petit bagage. Le pauvre garçon était tout en larmes, non-seulement à cause de moi, mais à cause du déshonneur et de l’infortune qui semblaient peser sur Clawbonny. Il avait encore à apprendre que la maison ne m’appartenait plus, et je n’avais pas le courage de le lui dire ; car je savais que pour ce cœur simple et aimant, ce serait comme arracher l’âme de son corps. Tous les nègres se considéraient comme faisant partie intégrante de Clawbonny, et il leur semblait qu’ils n’en pouvaient être séparés que par quelque convulsion de la nature. Neb m’apportait une lettre. Elle était cachetée avec de la cire, et portait les armes des Hardinge. Il y avait aussi une enveloppe, et l’adresse était de la main de Rupert. En un mot, tout annonçait qu’on avait pris son temps pour observer toutes les formalités d’usage. Je la lus aussitôt ; en voici la copie textuelle :


Broadway, mercredi matin.


« Cher Wallingford,

« Je viens de penser que le papier ci-inclus pourrait vous être utile, et je me reproche de n’avoir pas songé à vous l’offrir quand je vous ai vu. Je regrette de ne pouvoir vous engager à venir dîner avec nous en famille ; mais mistress Hardinge a du monde, et nous avons des invitations pour tous les autres jours de cette semaine. Je tâcherai d’aller vous voir dès que j’aurai un moment de libre. Lucie vient d’apprendre votre arrivée, et elle est allée écrire un mot à mon père, qui sera charmé d’apprendre que vous êtes encore au nombre des vivants. Le général, qui demeure avec nous, se rappelle à votre souvenir ; il espère que, quand il retournera en Angleterre, ce sera comme votre passager. Adieu, cher Wallingford ; je n’oublierai