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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/72

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térêts de ce monde ; jamais plus, je l’espère, je n’y ferai allusion ensuite. Je ne veux conserver d’autre pensée, d’autre sentiment sur la terre, que l’amour que je porte à mes amis. Le ciel me le pardonnera ; car je ferai mes efforts pour que cet amour ne diminue en rien celui que je porte à mon Dieu.

Grace s’arrêta, et je me demandais ce qu’elle pouvait avoir à me dire, quoique je fusse touché jusqu’au fond du cœur de sa résignation angélique à un destin qui, à son âge, devait paraître si cruel.

— Miles, mon frère, reprit-elle en me regardant avec anxiété, nous n’avons pas encore parlé des résultats matériels de votre dernier voyage ; mais j’ai entendu dire que vous avez lieu d’en être satisfait, et que votre fortune s’en est accrue.

— Sous ce rapport je n’ai rien à désirer, et j’ai plus d’argent qu’il ne m’en faudra jamais. Mon navire me suffit, sans même parler de Clawbonny. Oh ! ma sœur, disposez de ce qui est à vous avec une entière liberté. Quant à moi, je n’y prétends rien, et je n’en veux rien avoir. Les legs que vous ferez seront sacrés pour moi, et je les regarderai comme autant de souvenirs de vos touchantes vertus.

Le teint de Grace se colora, elle semblait éprouver une vive satisfaction, quoiqu’elle fût encore agitée d’un tremblement nerveux.

— Vous savez, Miles, que, d’après le testament de notre mère, tout ce que j’ai doit vous appartenir si je viens à mourir avant vingt et un ans. J’en ai vingt à peine, et légalement je ne puis disposer de rien.

— Vos volontés n’en seront pas moins religieusement remplies, chère sœur. Faites-moi connaître vos intentions. Je vais, si vous voulez, les écrire sous votre dictée. Jamais testament revêtu de toutes les formalités de la loi n’aura été plus scrupuleusement exécuté.

— Il n’est point nécessaire, mon cher Miles. J’ai exposé mes désirs dans une lettre qui vous est adressée, et qu’on trouvera dans mes papiers. Mais il ne doit pas y avoir de surprise entre vous et moi, mon frère. Quand vous saurez ce que je désire, prenez le temps de la réflexion, et que votre raison prononce autant que votre excellent cœur.

— Je suis tout aussi prêt à prononcer dans ce moment que je pourrais l’être dans un an. Il me suffit que vous le désiriez, pour que la chose soit faite.

— Merci, mon ami, merci, dit Grace en serrant affectueusement