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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/233

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forme ordinaire de tous les chasseurs, chasseurs d’hommes, comme chasseurs de bêtes sauvages.

M. Worden et Jason ne partirent pas avec nous, et la question du costume en fut en grande partie la cause. Le bon ministre tenait aux apparences, et il aurait porté la robe et le surplis, eût-il été en mission chez les Indiens ; ce qui au surplus était alors le but avoué de son voyage. Même aux combats de coqs où je l’avais vu assister, il portait toujours le costume ecclésiastique. C’était chez lui une opinion bien arrêtée que l’habit faisait en grande partie le prêtre, et je doute fort qu’il eût jamais consenti à réciter les prières sans surplis, ou à prêcher sans robe, quelque avide qu’on eût pu être de la nourriture spirituelle. Je me rappelle très-bien avoir entendu dire à mon père qu’un dimanche le ministre, qui était en voyage, avait refusé d’officier, plutôt que de paraître à l’église sans les insignes qui indiquaient le caractère sacré dont il était revêtu.

— On fait plus de mal que de bien à la religion, monsieur Littlepage, lui dit M. Worden dans cette occasion, en négligeant les formes extérieures ; c’est rabaisser le culte aux yeux du peuple. Ce qu’il faut avant tout, c’est apprendre aux hommes à respecter les choses saintes, mon cher monsieur ; et un prêtre en robe et en surplis commande bien plus le respect que celui qui se priverait de ces puissants auxiliaires. Je regarde donc comme un devoir rigoureux de maintenir en toute occasion la dignité de mon état.

C’était pour être fidèle à ces principes que le révérend avait conservé son costume ecclésiastique complet : chapeau à larges bords, habit et culottes noires et rabat, pour se mettre en voyage, même quand ce voyage avait pour but d’aller à la quête des âmes des Peaux Rouges au milieu des déserts de l’Amérique du Nord. Je ne prétends pas le blâmer ; certes, les raisons qu’il donnait étaient d’un très-grand poids, et l’on ne peut que les approuver ; seulement il faut convenir qu’il en résultait pour le pauvre ministre de très grands embarras.

Quant à Jason, son motif pour voyager dans sa plus belle toilette sentait bien son Danbury. Jamais personne ne voyageait autrement dans le coin qu’il habitait ; et pour lui, il trouvait que