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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/348

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un long cri retentit dans l’habitation, ainsi qu’au dehors. Je ne pouvais plus voir Musquerusque, mais quelques-uns de nos sentinelles, qui ne l’avaient pas perdu de vue, me dirent ensuite qu’il avait paru étourdi de cette attaque subite, qu’il avait regardé un instant la meurtrière, et que poussant alors de toutes ses forces le cri de guerre, il s’était enfui en bondissant comme un daim chassé tout à coup de son gîte. De tous côtés semblaient sortir de terre des légions de démons qui poussaient des hurlements affreux. Je ne sais si c’était l’effet de leur agilité et de leurs cris infernaux, mais il me semblait que je les comptais par centaines ; néanmoins ils ne manifestèrent point l’intention de nous attaquer, mais ils continuèrent à courir autour de nous dans toutes les directions, en poussant leurs clameurs sauvages, lâchant parfois quelques coups de fusil, mais semblant attendre patiemment le moment où les flammes auraient accompli leur œuvre.

Dans des circonstances aussi critiques, Herman Mordaunt montrait un calme admirable. Quant à moi, Anneke occupait toutes mes pensées, et je déplorais de n’avoir qu’une vie à exposer pour elle. Les femmes ne se conduisirent pas moins bien que les hommes, ne faisant pas de bruit, et maîtrisant leur émotion pour ne point troubler leurs parents et leurs amis. Quelques-unes des femmes des colons montrèrent même une sorte de mâle courage qui aurait fait honneur à des guerriers ; elles se réunirent dans la cour toutes armées, et cherchèrent tous les moyens de se rendre utiles. Il arrivait souvent que des femmes de cette classe, en chassant les daims, les loups et les sangliers, apprenaient à manier les armes à feu, et rendaient ensuite de grands services dans les attaques dirigées contre leurs maisons. Je remarquai cette nuit-là dans celles qui étaient avec nous un sentiment d’animosité farouche contre leurs ennemis, en qui elles ne voyaient que des misérables qui ne faisaient jamais de distinction de sexe ni d’âge ; on eût dit autant de lionnes défendant leurs petits en danger.

Il dut s’écouler de douze à quinze minutes entre le moment où Guert lâcha son coup de fusil et celui où le combat commença réellement. Pendant ce temps le feu faisait des progrès rapides, nos tardifs efforts pour l’éteindre se trouvant complètement