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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/126

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sans doute c’est une raison de plus pour elle. J’espère qu’elle ne pense pas que je regrette mon ancienne position ; j’aurais peine à le lui pardonner.

— Non, elle ne croit de vous que ce qui peut inspirer la plus vive admiration.

— Il est étrange que Priscilla vous ait justement parlé de moi ! Moi-même, monsieur Littlepage, je me suis conduite assez étourdiment, et je vous en ai trop dit pour ne pas achever à présent. J’ai bien quelque excuse à faire valoir si je ne vous regarde pas tout à fait comme un étranger ; car mon oncle le porte-chaîne a votre nom à la bouche au moins cent fois par jour. Je suis sûre qu’hier il a trouvé moyen de parler de vous au moins douze fois en une heure.

— Excellent André ! Que je suis fier d’être aimé d’un si digne homme ! Mais maintenant, voyons les explications que vous voulez bien promettre à un ancien ami, puisque ce nom me semble permis.

Ursule sourit, un peu malicieusement peut-être ; mais, malin ou non, ce sourire lui seyait à merveille. Elle réfléchit un moment, les yeux baissés à terre, comme quelqu’un qui pense profondément ; puis relevant la tête :

— Il vaut toujours mieux être franche, dit-elle, et je ne peux que gagner à l’être avec vous. Seulement, vous voudrez bien ne pas oublier, monsieur Littlepage, que je crois causer avec le meilleur ami de mon oncle.

— C’est un titre qui m’est trop précieux pour que je ne fasse pas tout ce qui dépendra de moi pour le conserver.

— Eh ! bien donc, vous saurez que Priscilla Bayard fut, pendant huit ans, ma compagne et ma plus intime amie. Notre affection commença quand nous étions encore enfants, et elle n’a fait que s’accroître avec l’âge. Un an environ avant la fin de la guerre, mon frère Frank, qui est ici maintenant pour aider mon oncle, trouva moyen de me rendre de fréquentes visites. Sa compagnie avait été envoyée à Albany, et rien ne lui était plus facile que de venir à la pension. Me voir, c’était voir Priscilla ; car nous étions inséparables ; et voir Priscilla, pour le pauvre Frank du moins, ce fut l’aimer. Il me fit sa confidente,