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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/166

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celle de porte-chaînes ou de grossiers habitants des frontières. Si je ne puis obtenir son cœur, je pourrai du moins employer à assurer son bonheur une partie de la fortune qu’une gracieuse Providence a mise à ma disposition, et hâter ainsi son mariage. Pendant quelque temps, je m’imaginais que je serais moins malheureux si je voyais Ursule établie et heureuse dans son ménage. Mais ces sentiments furent de courte durée, et je sentis qu’il me faudrait encore de longs efforts pour m’habituer à cette idée de la savoir heureuse avec un autre. Néanmoins le premier moment de tranquillité, la première sensation de bien-être que j’éprouvai, fut dans cette conviction que je pouvais faciliter l’union d Ursule avec l’homme de son choix. Cette pensée finit même par me causer un moment de plaisir véritable, et je restai pendant des heures entières à rêver aux moyens de la réaliser. J’étais dans cette situation d’esprit, lorsque la lassitude qui n’accablait produisit son effet ordinaire, et je n’assoupis profondément au milieu du feuillage épais qui tenait encore aux branches de l’arbre sur lequel je m’étais étendu.

Quand je m’éveillai, l’aube commençait à paraître. D’abord il me sembla que mes membres étaient raides et tout mon corps brisé par suite de la dureté de mon lit ; mais, en changeant d’attitude et en me mettant sur mon séant, je sentis ces impressions se dissiper, et je me trouvai plus calme. À ma grande surprise, je m’aperçus qu’une de ces petites couvertures légères dont les habitants des bois se servent dans l’été avait été jetée sur moi, attention qui m’avait été sans doute plus utile que je ne n’en doutais alors. Cette circonstance m’alarma dans le premier moment ; il était évident que la couverture n’avait pu venir là toute seule ; mais il me suffit d’un instant de réflexion pour me convaincre qu’elle n’avait pu être placée que par une main amie. Néanmoins, je sortis de mon lit de feuillage, et sautant à terre, je me mis à regarder autour de moi avec un vif désir de découvrir quel pouvait être cet ami secret.

Cet endroit n’avait rien qui le distinguât du reste de la forêt. C’étaient toujours ces interminables allées d’arbres gigantesques, cette voûte épaisse de feuillage, cette surface brune et inégale de la terre, cette fraîcheur humide des bois. Une belle source des-