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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/221

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pas de place, du moment qu’il eut terrassé son ennemi. Il ne pouvait soupçonner qu’il eût eu un témoin de sa victoire ; mais je voyais néanmoins qu’il en était fier. Je crus alors devoir lui faire connaître que j’étais près de lui.

— Fuyez, mon ami, gagnez vite les bois ! lui criai-je à travers les fentes. Cette conque va amener ici toute la bande des squatters avant deux minutes. Les fils sont tout près, sur le bord de la rivière, où ils travaillent ; ils n’ont que la berge à gravir.

— Dieu soit loué ! Mordaunt, mon cher enfant, vous êtes sain et sauf ! Je vais ouvrir la porte de votre prison, et nous partirons ensemble.

Mes remontrances furent inutiles. André vint à la porte du magasin et fit un effort pour l’enfoncer. La chose n’était pas facile ; car elle était solidement barricadée, et fermée en outre par une forte serrure. Le porte-chaîne ne voulut rien écouter, et il chercha autour de lui, dans l’espoir de trouver quelque instrument à l’aide duquel il pût briser la serrure ou faire sauter un panneau. Comme le moulin n’était pas à une grande distance, il s’éloigna dans cette direction, pour chercher ce dont il avait besoin. J’eus beau lui crier de n’abandonner, il ne n’écoutait pas, et je fus forcé d’attendre en silence le résultat de ses efforts.

Le porte-chaîne était encore plein d’activité et d’énergie. Une bonne constitution, une vie sobre, des habitudes régulières, avaient entretenu chez lui la force et la santé. Je le vis bientôt revenir une pince à la main, et il s’apprêtait à appliquer contre la porte ce puissant levier, quand Tobit parut, suivi de tous ses frères qui accouraient comme une meute de chiens lancée après le gibier. Je criai de nouveau à mon ami de fuir, mais il ne songeait qu’à me rendre libre. Il devait voir les six jeunes forcenés qui allaient fondre sur lui, mais il n’y faisait pas la moindre attention, occupé qu’il était à s’efforcer de faire entrer la pince entre la gâche et le montant, quand ses bras furent saisis par derrière, et il fut fait prisonnier.

Dès que le porte-chaîne vit que toute résistance serait inutile, il ne tenta pas de se défendre. Comme il me le dit lui-même plus tard, il était décidé à partager ma captivité, s’il ne pouvait