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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/230

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— Puisque vous avez tant d’attachement pour Ursule, lui dis-je, sans doute vous aurez égard à sa demande ?

— En quoi puis-je vous servir, major ? Je jure que je donnerais tout au monde pour faire ce qu’Ursule désire, mais je ne vois pas quel moyen employer.

— Vous pouvez nous ouvrir la porte de notre prison, et nous laisser gagner les bois, où nous saurons bien défier toute poursuite. Rendez-nous ce service, et je vous promets de vous donner cinquante acres de terres, sur lesquelles vous pourrez vous établir et vivre en honnête homme. Rappelez-vous que ce sera quelque chose d’honorable de posséder légitimement cinquante acres de bonnes terres.

Cette offre était séduisante ; aussi Zéphane réfléchit-il un moment ; il était évident qu’il était combattu, mais la décision fut contraire à mes désirs. Il secoua la tête, tourna tristement les yeux du côté des bois où il pensait qu’Ursule pouvait être ; puis il me dit :

— Si un père ne peut pas se fier à son propre fils, à qui se fiera-t-il dans la nature ?

— Personne ne doit être aidé à faire le mal, et votre père n’a aucun droit de nous retenir ici en prison. C’est un acte contraire aux lois, et, tôt ou tard, les lois lui en demanderont un compte rigoureux.

— Oh ! les lois, il s’en inquiète peu. Toute notre vie, nous avons été en hostilité contre la loi, et la loi en hostilité contre nous. Quand on en vient à passer par toute la kyrielle des jurés, des témoins, de ces pauvres avocats, de ces procureurs généraux si négligents, il y a bien des chances d’échapper à la loi. Il peut y avoir des pays où la justice compte pour quelque chose ; mais, par ici et dans tout le Vermont, nous ne nous en soucions guère.

— C’est ce qu’il faudra voir. Mais, dites-moi, votre père est-il sérieusement blessé ?

— Ce ne sera rien, répondit froidement Zéphane, les yeux toujours fixés sur le bois ; quelques meurtrissures ; mais il se remet vite, et il est habitué à ces accidents. Le père a la tête diablement solide, et il n’est pas facile de l’ébranler. Tobit ne l’a