ner à présent que je connaissais ses relations avec les squatters, et il semblait ne savoir quelle conduite tenir. Le voyant occupé à ruminer sans doute quelque histoire pour me donner le change, je me tournai du côté de l’Indien et du Nègre, ces deux natures si honnêtes, afin de leur adresser tour à tour un mot d’amitié.
Susquesus était à l’état de repos. Il venait d’allumer sa pipe qu’il fumait paisiblement. À le voir, on n’aurait jamais cru qu’il venait de prendre une part active à des scènes de violence ; on eût plutôt dit quelque grave philosophe, habitué à consacrer son temps à la réflexion et à l’étude.
Comme ce fut une des occasions où l’Onondago tint le langage qui ressemblait le plus à un aveu pour ce qui concernait la mort du squatter, je transcrirai les quelques mots qui furent échangés entre nous.
— Bonsoir, Sans-Traces, lui dis-je en lui présentant la main qu’il prit gracieusement comme il avait l’habitude de le faire ; je suis bien aise de vous voir en liberté. Vous voilà donc sorti du magasin ?
— Le magasin est une pauvre prison. Jaap a fait sauter la serrure comme un brin de paille. Je m’étonne que Mille-Acres n’ait pas prévu cela.
— Il avait bien d’autres soins à prendre ce soir, pour se rappeler une semblable bagatelle. Maintenant il a à penser à sa fin.
L’Onondago acheva de vider le fourneau de sa pipe avant de répondre :
— Oui, je crois que cette fois il a son affaire.
— Je crains que sa blessure ne soit mortelle, et j’en suis affligé. C’était bien assez que le sang de notre excellent ami, le porte-chaîne, eût coulé dans une si misérable affaire.
— Oui, misérable ; c’est ce que je me disais aussi. Si le squatter a tué l’arpenteur, il devait bien penser que l’ami de l’arpenteur tuerait le squatter.
— C’est peut-être de la justice à l’indienne, Sans-Traces ; mais ce n’est pas la justice telle que l’entendent les Visages Pâles en temps de paix et de tranquillité.
Susquesus continua à fumer, sans rien répondre.
— C’était très-mal sans doute de tirer sur le porte-chaîne ; et