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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/347

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un mari, et je crains bien que les autres avantages ne vous paraissent trop chèrement achetés, quand vous viendrez à le mieux connaître.

Ursule sourit de manière à me convaincre qu’elle n’avait pas d’inquiétude à cet égard. Je ne savais pas encore, mais je devais apprendre par une bien douce expérience, que l’affection d’une épouse tendre et dévouée s’accroît de jour en jour, au lieu de diminuer, et finit par faire partie de son existence morale. Je ne suis point partisan de ce qu’on appelle strictement des mariages de raison ; et je crois qu’une union aussi solennelle, aussi durable, doit être cimentée par un attachement réciproque, et par la mise en commun de tous les sentiments et de toutes les pensées ; mais j’ai vécu assez longtemps pour comprendre que, quelque vives, quelque ardentes que soient les passions de la jeunesse, elles ne procurent point de bonheur comparable à celui qu’on goûte dans les affections profondes et éprouvées d’un heureux ménage.

Enfin nous étions mariés ! La cérémonie avait eu lieu de grand matin, afin que nos amis pussent gagner la grande route avant que la nuit les surprît. Le repas qui suivit fut silencieux, parce que chacun était occupé de ses pensées. Avant de partir, ma mère prit Ursule dans ses bras, et l’accabla littéralement de caresses et de bénédictions ; le général en fit autant, et il dit à la mariée, qui souriait à travers ses larmes, de ne pas oublier que désormais elle était sa fille. — Mordaunt, au fond, est un bon garçon, ajouta-t-il, et il vous aimera comme il l’a promis ; mais, s’il vous donne jamais la plus légère ombre de chagrin, venez me trouver, et je le tancerai d’importance.

— Vous n’avez rien à craindre de Mordaunt, dit ma digne grand’mère, dont le tour était venu de faire ses adieux ; c’est un Littlepage, et tous les Littlepage font d’excellents maris. Ce garçon est tout le portrait de ce qu’était son grand-père à son âge.

— Dieu vous bénisse, ma fille ! quand vous viendrez à Satanstoe cet automne, j’aurai grand plaisir à vous montrer le portrait de mon général à moi.

Anneke, Kate, Priscilla, serrèrent tellement Ursule dans leurs bras, que je tremblais quelles ne l’étouffassent. Frank prit congé de sa sœur avec la même tendresse qu’il lui avait toujours montrée.