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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/46

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CHAPITRE V.


Ce serait un excellent homme que celui qui tiendrait le milieu entre lui et Benedict : l’un est trop comme une statue, et il ne desserte pas les dents ; et l’autre, trop comme le fils aîné de milady ; c’est un parlement perpétuel.
Beatrice.


Le jour où je partis de Satanstoe avec ma sœur, j’eus avec ma grand’mère une conversation assez intéressante pour que je la rapporte. Elle eut lieu avant le déjeuner, lorsque Thomas et sa sœur, qui étaient venus dès la veille pour nous faire leurs adieux, n’étaient pas encore descendus. Ma grand’mère m’avait donné rendez-vous dans un petit pavillon moderne qui avait été ajouté à l’extrémité d’un des anciens bâtiments, et nous y arrivâmes au même moment avec une exactitude extrême. Je vis à un certain air d’importance qu’avait pris ma grand’mère qu’il s’agissait de quelque grande affaire, et je pris le siège qu’elle m’avait préparé, avec quelque curiosité d’entendre ce qu’on allait me dire. Les deux fauteuils étaient placés de manière à ce que ceux qui les occuperaient, une fois assis, fussent en face l’un de l’autre. Ma grand’mère avait mis ses lunettes, et elle me regarda fixement, en séparant les boucles de mes cheveux sur mon front, comme elle avait coutume de faire lorsque j’étais enfant. Je vis quelques larmes couler silencieusement derrière les lunettes, et je commençai à craindre d’avoir, sans le vouloir, dit ou fait quelque chose qui eût pu mécontenter l’excellente femme.

— Au nom du ciel, grand-maman, qu’y a-t-il ? Avez-vous à vous plaindre de moi ?

— Non, mon enfant, non ; bien au contraire. Vous êtes et vous avez toujours été pour nous tous un bon fils. Mais on aurait dû vous nommer Hugh, je le soutiendrai tant que je vivrai. Je l’ai dit à votre père au moment même de votre naissance ; mais il a toujours été entiché du nom de Mordaunt. C’est un nom res-