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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/7

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peine fit-on quelque attention à sa mort. Le père du major Dirck, au contraire, vieil ami de ma famille, qui avait toujours mené joyeuse vie, ayant été surpris par un détachement d’Indiens, un jour qu’il s’était éloigné de sa garnison pour aller faire une orgie dans une taverne voisine, avait été mis à mort et indignement scalpé. Il n’en fallait pas davantage pour en faire un héros, et le major ne parlait jamais du trépas de son père qu’avec un sentiment d’orgueil, tandis que la mort du brigadier semblait un événement déplorable sans doute, mais dont il n’y avait point à tirer vanité. Et cependant, à mes yeux, la fin de mon aïeul était de beaucoup la plus glorieuse ; mais elle ne sera jamais regardée comme telle par l’historien ni par le pays, parce qu’il lui manque ce prestige du champ de bataille. Il viendra pourtant un jour ou chaque chose sera vue sous sa véritable couleur, et où les hommes et les événements seront jugés pour ce qu’ils sont, et alors bien des arrêts de l’histoire seront cassés en dernier ressort.

J’étais bien jeune à l’époque de la guerre de la Révolution, et cependant le hasard me rendit témoin de quelques-uns des événements les plus importants. Des l’âge de douze ans — on est précoce en Amérique, — j’avais été envoyé au collège de Nassau, à Princeton, pour y faire mes études, et n’en sortir que quand j’aurais pris tous mes grades. Mais mon éducation ne s’acheva pas sans de longues et graves interruptions. Ma famille, à cause de ses opinions bien connues, avait dû s’éloigner de New-York, dès que sir William Howe en avait pris possession. Ma mère et ma grand-mère avaient été habiter, dans le village de Fishkill, une ferme qui appartenait à miss Wallace. C’était à soixante-dix milles de la capitale, dans l’enceinte des lignes américaines. Lorsque j’y vins passer le temps des vacances, mon père allait partir à la tête de son bataillon, et il m’emmena avec lui. Je ne quittai l’armée et ne repris mes études qu’après les brillantes affaires de Trenton et de Princeton, auxquelles notre régiment prit une part glorieuse.

C’était un assez joli début pour un enfant de quatorze ans. Mais alors des garçons de mon âge portaient souvent le fusil, car si les colonies couvraient une grande étendue de pays, les