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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/87

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paru dans les champs ; ce qui donnait au domaine l’apparence d’un pays vieux, suivant nos idées américaines. Il est vrai que la forêt vierge s’élevait dans toute sa vigueur à côté de ces plaines unies et labourées, encadrant avec une sombre majesté ce tableau champêtre. Le contraste était frappant ; mais il offrait aussi des images douces et agréables : de la hauteur sur laquelle l’Indien m’avait conduit, j’avais devant moi un avant-plan de terrain ouvert, parsemé de chaumières et de granges, coupé par des vergers, par de riantes prairies ou par des champs où le blé inclinait la tête sous le souffle d’une légère brise d’été. Deux ou trois routes serpentaient à travers l’établissement, se détournant complaisamment pour passer devant chaque porte ; et, à l’extrémité du côté sud, il y avait un hameau composé d’une douzaine de maisons construites en bois, dont l’une, quoique d’assez mauvais goût, semblait afficher plus de prétentions que les autres ; il y avait dans le nombre une auberge, un magasin, une boutique de forgeron, une école, puis des granges, des étables, etc. Près du hameau, qu’on appelait le Village du Nest (ou du Nid), étaient les moulins du pays. Il y en avait quatre ; l’un pour moudre le grain, un autre pour scier les planches, un moulin à foulon, et un pour l’huile ; tous de dimensions modestes, et probablement d’un modeste produit. La maison, même la plus apparente, n’était pas peinte, quoiqu’elle eût des ornements d’architecture assez ambitieux, et l’on n’y comptait pas moins de quatre portes extérieures. Il y en avait même une au second étage, dont il n’était pas facile de deviner l’usage. Sans doute le propriétaire avait quelque grand projet auquel il n’avait pas donné suite. Chez nous on a toujours beaucoup aimé à être hors de chez soi.

Une ceinture interminable de bois formait l’arrière-plan de ce tableau. Elle s’étendait de tous les côtés, sur le sommet des montagnes, comme dans le fond des ravins. C’était comme un voile mystérieux qui séparait ce coin de terre habité du reste de la création. Il y avait pourtant quelques autres établissements formés au milieu de la forêt ; un petit nombre de routes la sillonnaient, et de loin en loin on apercevait une cabane bâtie par le