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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/9

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quelque temps d’une honnête aisance ; mais il n’avait que vingt-trois ans quand un Yankee avait trouvé moyen, comme il le disait lui-même, de lui souffler sa fortune, et il avait cherché depuis ce moment à exercer la profession d’arpenteur. Mais André n’avait point la tête faite pour les mathématiques, et après deux ou trois bévues assez fortes, commises dans sa nouvelle profession, il se résigna au modeste emploi de porte-chaîne. On dit que chaque homme à une spécialité qui lui est propre ; le tout est de la trouver et de travailler ensuite avec persévérance. André. Coejemans avait trouvé la sienne. Comme porte-chaîne, il acquit une réputation sans égale. Quelque humble que fût cet état, il demandait encore des qualités précieuses. D’abord, il fallait être honnête, et c’est ce qui ne se rencontre pas encore tous les jours. Propriétaire ou fermier, on était bien tranquille quand c’était André qui tenait le bout de la chaîne ; l’arpentage ne laissait rien à désirer. Et puis André avait le coup-d’œil sur ; jamais il ne se fourvoyait à droite ou à gauche ; il suivait la ligne droite, ayant acquis dans sa profession une sorte d’instinct qui épargnait beaucoup de temps et de peines. En même temps il était excellent chasseur, et il avait fini par connaître les bois à merveille. Aussi était-ce à lui qu’on s’adressait directement pour les arpentages, quoiqu’il se fît une règle invariable d’employer pour la direction des travaux des hommes ayant une meilleure tête que la sienne, et que, pour lui, il se contentât toujours de porter la chaîne.

Au commencement de la révolution, André prit les armes, comme la plupart de ceux qui éprouvaient une vive sympathie pour les colonies. Quand on leva le régiment dont mon père était lieutenant-colonel, ceux qui amenaient sous les drapeaux un certain nombre d’hommes, recevaient un grade proportionné à la grandeur du service qu’ils rendaient sous ce rapport. André s’était présenté l’un des premiers avec une escouade considérable de porte-chaînes, de chasseurs, de trappeurs, de guides, de coureurs, etc. ; ils étaient vingt-cinq, tous robustes, tous résolus, tous excellents tireurs. Leur chef fut fait lieutenant, et comme il se trouva être le plus âgé des officiers du même grade, il arriva bientôt au rang de capitaine ; grade qu’il occupait quand