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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/128

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tresse de son secret. Je serais heureuse d’être capable de la satisfaire en lui faisant cadeau d’une si belle chaîne.

Mon oncle Ro s’avança vers sa mère, prit sa main qu’elle avait étendue avec la chaîne, et il l’embrassa avec un profond respect, mais de manière à ce que cet acte fût considéré par les spectateurs comme un usage européen, plutôt que comme le salut réservé d’un enfant envers sa mère.

— Matame, dit-il avec emphase, si quelqu’un poufait me faire changer une résolution depuis longtemps brise, ce serait une tame aussi fénérable, gracieuse et ponne comme che suis sûr que fous êtes. Mais ch’ai fait vœu de donner cette chaîne à la femme de mon fils, quand il épousera quelque chour une cholie cheune américaine ; et che ne puis me dédire.

Ma chère grand’mère sourit ; mais, alors qu’elle comprenait que cette chaîne était réellement destinée à être offerte à ma femme, elle n’insista plus. Examinant encore un instant le bijou :

— Et vous, me dit-elle, avez-vous le même désir que votre on… votre père, veux-je dire ? C’est un riche cadeau à faire pour un homme pauvre.

— Ya, ya, matame, c’est frai ; mais quand le cœur se donne, on peut recarder comme peu de chose l’or qui se donne afec.

La vieille dame eut de la peine à ne pas rire en entendant mon anglais germanique ; mais la bienveillance, la joie et la tendresse qui brillaient dans ses yeux encore beaux, agirent tellement sur moi, que je fus presque sur le point de me jeter de nouveau dans ses bras. Patt continua à bouder pendant une ou deux minutes ; mais son bon naturel reprit bientôt le dessus, et le sourire revint sur sa figure, comme le soleil sort derrière un nuage au mois de mai.

— Eh bien ! cette contrariété doit se supporter, dit-elle d’un ton doux, quoique ce soit bien la plus jolie chaîne que j’aie vue.

— Je ne doute pas qu’il ne se trouve un jour quelqu’un pour vous en offrir une aussi jolie, dit Henriette Colebrooke d’un air assez piquant.

Cette remarque me déplut. C’était une allusion qu’une jeune personne bien élevée n’aurait pas dû se permettre devant des tiers, même devant des colporteurs ; et j’ose ajouter qu’une femme de bon ton ne se la serait en aucune façon permise. Je me promis bien dès lors que la chaîne n’appartiendrait jamais à ma-