Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

esprit, qu’il n’y eut pas d’interruption sensible dans la conversation.

— Beut-être, dit mon oncle, ils n’aiment pas à bayer la rente. On aime mieux afoir terres pour rien, que bayer rentes.

— En ce cas, qu’ils achètent des terres ; s’ils ne veulent pas payer de rentes, pourquoi sont-ils convenus de le faire ?

— Beut-être ils ont changé de sentiment. Ce qui est pon auchourd’hui ne paraît pas touchours pon demain.

— Cela peut être vrai mais nous n’avons pas le droit de faire souffrir les autres de notre légèreté. La législature de cet État vient de donner le plus pitoyable spectacle que le monde puisse voir. Depuis plusieurs mois elle s’évertue à éluder les garanties positives de la loi et de la constitution, pour faire le sacrifice des droits de la minorité, afin de gagner les votes du grand nombre.

— Les fotes sont ponne chose au temps des élections ha ! ha ! ha ! s’écria mon oncle.

M. Warren parut surpris et même un peu piquée. La grossièreté affectée du rire et des manières de mon oncle avait atteint son but vis-à-vis des Indgiens ; mais elle avait presque détruit la bonne opinion que le ministre avait conçue de nous, et bouleversait toutes ses idées sur notre savoir-vivre et nos principes. Toutefois il n’eut pas le temps de demander des explications ; car à peine les éclats de rire de mon oncle étaient-ils achevés, qu’un aigre sifflement se fit entendre dans les buissons, et quarante ou cinquante Indgiens s’élancèrent avec des cris, couvrirent la route et entourèrent immédiatement nos voitures.

Mary Warren, à ce spectacle inattendu, poussa un faible cri, et saisit le bras de son père par une sorte de mouvement involontaire, comme pour le protéger contre tous les dangers. Puis elle sembla reprendre ses esprits, et dès ce moment son caractère prit une énergie, un calme et une intrépidité qu’on pouvait difficilement attendre d’une personne si paisible et si douce.

Tout cela fut inaperçu des Indgiens. Ils avaient aussi leur but, et la première chose qu’ils firent fut d’aider M. Warren et sa fille à descendre de voiture ; ce qui fut fait avec une certaine bienséance et avec les égards que méritaient les fonctions de l’un et le sexe de l’autre ; et nous nous trouvâmes, M. Warren, Mary, mon oncle et moi, au milieu du grand chemin, environnés d’un groupe d’une cinquantaine d’Indgiens.