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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/180

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chaque fois qu’il parlait d’anti-rentisme, il touchait une corde qui vibrait dans toute l’assemblée.

Son discours, qui avait duré plus de deux heures, était à peine achevé qu’un individu se leva, en qualité de président (car trois Américains ne peuvent se réunir sans qu’il y ait un président et un secrétaire), et invita ceux qui auraient des vues différentes de celles de l’orateur, a se lever et à prendre la parole. Ma première impulsion fut de me dépouiller de ma perruque, de me montrer dans mon véritable caractère et de faire justice du misérable jargon qui venait d’être débité. Quoique sans habitude de la parole en public, je ne doute pas que je n’y eusse facilement réussi, et je communiquai tout bas mon dessein à mon oncle, qui était déjà debout pour prendre la tâche sur lui-même, lorsqu’il fut prévenu par une voix éloignée qui s’écria : — Monsieur le président, je demande la parole. Je reconnus aussitôt la figure de l’intelligent mécanicien, Hall, que nous avions rencontré à Mooseridge. Je repris donc mon siège, bien convaincu que notre cause était en de bonnes mains.

Le nouvel orateur commença avec une grande modération de ton et de manières. Son accent, son langage et son élocution se ressentaient un peu de ses habitudes et de sa position sociale ; mais son bon sens et ses bons principes étaient des dons naturels qui lui faisaient voir clairement les choses et les démontrer habilement. Comme il était connu de tout le voisinage et généralement respecté, on l’écoutait avec une profonde attention, et il parlait comme un homme qui n’était guère en crainte du goudron et des plumes. Si les mêmes sentiments eussent été exprimés par un homme bien vêtu, par un étranger, ou même par moi qui avais tant d’intérêt dans l’affaire, on les aurait considérés comme aristocratiques ; on n’en aurait pas même permis l’émission : l’amateur le plus raffiné de l’égalité tombant fréquemment dans de pareilles contradictions.

Hall commença par rappeler aux auditeurs qu’ils le connaissaient tous, et qu’ils savaient qu’il n’était pas propriétaire. Il était mécanicien et homme de travail, comme la plupart d’entre eux, et n’avait aucun intérêt qui pût le séparer de l’intérêt général de la société. Cet exorde était un petit hommage rendu aux préjugés, puisque la raison est la raison, le droit est le droit, n’importe d’où qu’ils viennent. « Moi aussi continua-t-il, je suis un démo-