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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/235

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fais une visite. Les Indiens sont, je pense, Monsieur, remarquablement portés au silence.

— Et qui a eu l’idée de la peinture et de la toilette, est-ce vous ou l’Onondago ?

— Ma foi, Monsieur, je suppose que dans l’origine l’idée vint de l’Indien, quoique ce fût à ma suggestion. Oui, Monsieur, je suggérai l’idée ; quoique je ne puisse pas assurer que Sus n’en eût pas l’intention, même avant que je donnasse mon opinion.

— Est-ce vous qui avez pensé à la peinture ? dit mon oncle Ro. Je ne me souviens pas d’avoir, depuis trente ans, vu Sans-Traces se peindre. Une fois je lui demandai de se peindre et de s’habiller, et je me rappelle sa réponse comme si je l’avais entendue hier. Quand l’arbre, dit-il, cesse de porter des fruits, les fleurs ne font que rappeler son inutilité.

— J’ai entendu dire que Susquesus était renommé pour son éloquence.

— Je me rappelle, en effet, qu’il avait cette réputation, quoique je ne puisse en garantir la justice. De temps à autre j’ai entendu chez lui des expressions fortes et poétiques, dans son Anglais incorrect et brisé ; mais en général il est simple et taciturne. Je me rappelle avoir entendu dire par mon père que lorsqu’il fit la connaissance de Susquesus, il y a de cela soixante ans, le vieillard avait une grande crainte d’être réduit à l’humiliante nécessité de faire des paniers et des balais ; mais une fois ses terreurs à cet égard écartées, il avait toujours depuis paru satisfait et sans souci.

— Le sans-souci est l’apanage de ceux qui possèdent le moins, je pense, Monsieur. Ce ne serait pas chose facile pour le gouvernement de New-York de trouver le moyen de dépouiller Sus de ses fermes, soit en élevant des chicanes sur le titre, soit en employant un des ingénieux expédients imaginés par les politiques d’Albany. Mais nous voici arrivés.

Nous touchions effectivement à la hutte. La soirée était délicieuse. Susquesus s’était assis sur un tabouret, au centre de la verte pelouse qui s’étendait devant l’entrée de son habitation. Un arbre touffu le couvrait de son ombre et le protégeait contre les rayons du soleil couchant. Jaaf était placé à côté de lui, dans une attitude qu’il jugeait assortie à sa couleur et à son caractère. Voilà encore un trait de la nature humaine ; c’est que tandis que le nègre affecte un grand mépris pour l’homme rouge, l’Indien a la