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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/281

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cieux et grave. Mon oncle et ma grand’mère firent presque tous les frais de la conversation, qui se rapporta surtout aux mesures à prendre à l’égard de nos prisonniers. Il n’y avait à plusieurs milles autour de Ravensnest aucun magistrat qui ne fût partisan de l’anti-rentisme ; conduire devant eux Sénèque et son compagnon eût été assurer leur impunité. On exigerait d’eux une caution fictive, et il était plus que probable que le constable employé permettrait leur évasion, quand même ils croiraient nécessaire de jouer cette comédie. Mon oncle, en conséquence, adopta le plan qui suit. Il avait fait transporter les deux incendiaires dans la vieille ferme, où se trouvait un caveau vide et parfaitement sec, offrant par conséquent toute la sécurité d’une prison, sans obscurité et sans humidité. Les hommes rouges acceptèrent les fonctions de gardiens, un d’eux prenant son poste à la porte, tandis qu’un autre était placé près de l’ouverture qui donnait du jour au caveau, et qui du reste était à peine assez grande pour que le corps d’un homme pût y passer. L’interprète avait reçu de l’agent l’ordre de respecter le jour du sabbat ; et comme on ne prévoyait aucun mouvement, l’accomplissement de ce devoir de surveillance convenait parfaitement aux habitudes oisives des Indiens en un jour de repos. Les aliments nécessaires avaient aussi été fournis aux prisonniers et là se bornèrent les précautions de mon oncle, qui se proposait de faire conduire les coupables le lundi matin devant un magistrat éloigné qui était un des juges du comté. Quant aux autres perturbateurs de la nuit dernière, on n’en voyait plus aucun signe apparent ; et après leur premier échec, il n’y avait guère à redouter immédiatement une nouvelle tentative.

Nous étions encore à table lorsque le son des cloches de Saint-André se firent entendre à travers les airs, comme un avertissement pour nous préparer à nos devoirs de la journée. L’église n’était guère qu’à un mille de la maison, et les jeunes personnes proposèrent d’y aller à pied. Ma grand’mère, accompagnée de son fils, fut donc la seule à prendre la voiture, et nous autres jeunes gens nous partîmes en corps, une demi-heure avant le tintement de la seconde cloche. À considérer l’état du pays et les événements de la nuit, je m’étonnai de ma profonde sécurité en cette occasion, non moins que de celle de mes charmantes compagnes, et je ne fus pas longtemps sans exprimer mon sentiment à cet égard.

— Il faut avouer, dis-je, que notre Amérique est un singulier