Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de ses efforts fussent à peine sensibles. Le peu qu’il faisait n’avait pas pour but de chasser ses pensées, car il n’en eut jamais à chasser ; c’était simplement l’effet de l’habitude et le désir d’être toujours Jaaf et de continuer son train de sa vie ordinaire.

Je regrette de dire qu’aucun de ces deux hommes ne connaissait ou ne comprenait les vérités du christianisme. On ne s’occupait guère, il y a cent ans, de donner des notions spirituelles aux nègres, et la difficulté de faire aucune impression à cet égard sur les Indiens est une vérité traditionnelle. Peut-être obtient-on plus de succès sous ce rapport lorsque le pieux missionnaire peut pénétrer dans les villages écartés, et répandre ses doctrines loin des misérables exemples qui les contredisent au milieu des habitations de l’homme civilisé. Il est probable que ces exemples avaient eu beaucoup d’effet sur Susquesus, qui avait passé un grand nombre de ses jeunes années avec les faces pâles, sur les flancs des armées, ou parmi des chasseurs, des coureurs et des batteurs d’estrades ; de tels compagnons ne devaient pas lui donner une haute idée des influences morales du christianisme. Néanmoins de longs et continuels efforts avaient été tentés pour éveiller chez le vieil Indien quelques notions sur la vie future des faces pâles et pour l’engager à se faire baptiser. Ma grand’mère, en particulier, s’était vouée à cette entreprise depuis plus de cinquante ans, mais sans succès. Les différents membres du clergé de toutes les sectes avaient plus ou moins fait de tentatives du même genre, mais sans mieux réussir. M. Warren, entre autres, n’avait pas négligé cette mission, mais il n’avait pas eu plus de succès que ceux qui l’avaient précédé. Et chose singulière pour certaines personnes, quoique je n’y visse rien que de naturel, Mary Warren s’était jointe à ces bienveillantes tentatives avec un zèle éclairé et un intérêt affectueux et tendre, qui promettait de produire plus d’effet que les leçons de tous les ministres pendant de si longues années. Ses visites à la cabane avaient été fréquentes, et Patt m’avait appris dans la matinée que, quoique Mary elle-même ne parlât jamais sur ce sujet, d’autres en avaient assez vu pour assurer que ses douces admonitions avaient au moins réussi à émouvoir à un certain degré le cœur de marbre de Sans-Traces.

Quant à Jaaf, ce fut peut-être un malheur pour lui d’être esclave dans une famille qui appartenait à l’Église épiscopale, dont les rites religieux sont si éloignés de toute exagération, qu’ils pa-