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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/36

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sur une terre à long bail, dont la nue propriété m’appartenait, et l’habitation avait été associée au nom de Newcome de temps immémorial, c’est-à-dire depuis environ quatre-vingts ans. Pendant toute cette époque, les Newcome avaient été les tenanciers du moulin, de la taverne, des magasins et de la ferme qui était la plus voisine du village de Ravensnest et il n’est pas superflu, pour la morale de mon récit, d’ajouter que durant tout ce temps et pendant plus longtemps, nous en avons été, mes ancêtres et moi, les propriétaires. Je prie le lecteur de ne pas oublier cette dernière circonstance, car il aura bientôt occasion de voir que certaines personnes étaient fortement disposées à l’oublier.

Ainsi que je l’ai dit, Opportunité était la fille d’Ovide. Il y avait aussi un frère, nommé Sénèque ou Seneky, comme il le prononçait habituellement lui-même, fils d’Ovide, le fils de Jason, le premier du nom à Ravensnest. Ce Sénèque était un homme de loi en vertu d’un diplôme accordé par les juges de la cour suprême et par ceux de la cour des plaids communs, pour exercer dans le comté de Washington. Comme il y avait eu entre les Newcome et nous une sorte de familiarité héréditaire, depuis trois générations, à commencer par Jason, en finissant par Sénèque, et comme, le dernier appartenait au barreau, je m’étais assez souvent trouvé dans la société du frère et de la sœur. La dernière surtout aimait à fréquenter le Nest, appellation familière de notre maison, dont le vrai nom est Ravensnest, d’où était dérivé celui du village. Comme Opportunité témoignait beaucoup d’affection à ma chère grand’mère et aussi à ma jeune sœur, qui habituellement passait avec moi quelques semaines pendant les vacances, j’eus plus d’une occasion de subir l’influence de ses charmes, et, je dois le dire, ces occasions, Opportunité ne manquait pas de les mettre à profit. Je me suis laissé dire aussi que la mère, qui portait le même nom qu’elle, avait usé du même stratagème pour enseigner à Ovide l’art d’aimer, et qu’elle avait réussi. Il y avait une très-légère différence entre mon âge et celui de la jeune personne ; mais comme j’avais traversé sans encombre l’épreuve du feu à l’âge fragile de vingt ans, il n’y avait pas grand danger à en braver les risques, maintenant que j’avais cinq ans de plus. Revenons actuellement à mon oncle et à la lettre de mademoiselle Henriette Coldbrooke.

— La voici, Hughes, s’écria gaiement mon tuteur ; et une jolie lettre, ma foi ! Je voudrais pouvoir te la lire tout entière ; mais