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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/82

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tentivement, étant moi-même parfaitement au courant des faits principaux. Comme tu seras bientôt appelé à intervenir en cette matière pour toi-même, je puis aussi bien te les raconter. En premier lieu, mon bisaïeul, Mordaunt, le premier patenté, comme on l’appelait, afferma ses moulins et dépendances au grand-père de Sénèque et premier tenancier, alors un tout jeune homme. Afin d’obtenir des colons, il était nécessaire de leur faire de grands avantages ; car il y avait beaucoup plus de terres que de bras. Le premier bail fut donc accordé à des conditions excessivement favorables, à ce Jason Newcome, que je me rappelle encore. Il avait deux espèces de réputation : la première et la vraie, qui le représentait comme un homme avide, envieux, plein d’astuce et d’immoralité. Selon quelques traditions parmi nous, on l’avait surpris à voler du bois, et à pratiquer diverses autres fraudes. En public, il passait pour un de ces honnêtes et laborieux pionniers qui ont transmis à leurs descendants tous leurs, droits, ceux que l’on appelle aujourd’hui des droits moraux, comme ceux qui sont reconnus pour légaux. Peu de temps avant le mariage de mon père, ledit Jason étant encore vivant et en possession, le bail expira, et fut renouvelé pour trois générations, l’une desquelles court encore. Ce bail fut accordé à des conditions très-avantageuses pour le tenancier, il y a bien soixante ans, le vieux Newcome ayant nommé parmi les premiers son fils dont la vie s’est prodigieusement étendue. Maintenant Sénèque, que Dieu le bénisse ! sous-loue quelques-uns des lots qui lui sont échus en héritage, pour beaucoup plus d’argent qu’il n’en coûte pour la totalité de la propriété. Et il en est de même depuis trente ans pour toute la portion louée par la famille Newcome. Or la longue durée de cet excellent marché est le principal argument des Newcome pour avoir les terres en toute propriété, à un prix nominal, ou même sans payer aucun prix, si les désirs des tenanciers s’accomplissent.

— Je crains qu’il n’y ait rien de nouveau à bouleverser ainsi tous les principes ; la moitié du genre humain me paraît se guider par des raisonnements sens dessus-dessous.

— La moitié est une petite proportion, comme tu le verras ; mon garçon, à mesure que tu vieilliras Mais n’était-ce pas une fière impudence de la part de Sénèque de nous proposer de nous joindre à l’association des Indgiens ?