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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/90

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l’État des milliers d’hommes de cette nature ; pourquoi seraient-ils dominés et contraints de se soumettre à une législation et à des pratiques dénuées de principes, par la tyrannie de la plus mauvaise portion de notre communauté ? Les hommes honnêtes sont-ils donc toujours si passifs, et les corrompus si actifs.

Lorsque je communiquai ces pensées à mon oncle, il me répondit :

— Oui, il en a toujours été, je le crains, et il en sera toujours ainsi. Voilà, dit-il en montrant un monceau de journaux étalés sur une table, voilà la plaie de ce pays. Aussi longtemps que les hommes ajouteront foi à ce qu’ils trouvent dans ces feuilles, ils ne pourront être que des dupes ou des fripons.

— Mais il y a du bon dans les journaux.

— Le mal n’en est que plus grand. S’ils ne contenaient rien que des mensonges, le monde les rejetterait bientôt ; mais combien y a-t-il de gens capables de distinguer le vrai du faux ? combien y a-t-il de journaux qui disent la vérité sur l’anti-rentisme ? Parfois dans ce corps d’écrivains se présente un honnête homme ; mais à côté de lui, dix autres affectent de dire ce qu’ils ne pensent pas, afin de gagner des votes. Votes, votes, votes, dans ce seul mot est tout le mystère de la chose.

— Cependant Jefferson a dit que s’il avait à choisir entre un gouvernement sans journaux et des journaux sans gouvernement, il choisirait la dernière alternative.

— Jefferson ne parlait pas des journaux tels qu’ils sont maintenant. Je suis assez vieux pour pouvoir apprécier le changement qui a eu lieu. De son temps, trois ou quatre mensonges bien avérés auraient suffi pour perdre un journal aujourd’hui, il y a des hommes qui ne bronchent pas sous des milliers. Je dois te le dire, Hughes, ce pays est tiraillé par l’antagonisme des deux principes les plus contraires, le christianisme et le journalisme. Le premier est toujours à crier à l’homme qu’il n’est qu’un être misérable, fragile, bon à rien, tandis que le dernier proclame éternellement la perfection du peuple et les vertus du gouvernement par les masses.

— Peut-être ne faudrait-il pas donner trop d’importance ni à l’un ni à l’autre.

— Le premier principe est certainement vrai dans des limites que nous pouvons comprendre ; quant au dernier, j’avoue qu’il