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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/93

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soir de l’Onondago, et dire que, quoiqu’il passât pour avoir plus de cent ans, il ne paraissait pas en avoir plus de quatre-vingts. Cet Indien est un fin observateur, et il pourrait bien nous initier aux secrets de ses faux frères.

— Ils peuvent au moins nous donner des nouvelles de la famille, et quoiqu’il soit dans la nature des choses que des colporteurs s’arrêtent à la maison principale, ils peuvent aussi bien faire une halte au wigwam.

Cette considération nous détermina, et nous voilà aussitôt en route vers le ravin sur les flancs duquel était la hutte connue sous le nom de wigwam.

C’était une petite construction en poutres, propre et de bonne apparence, chaude en hiver, fraîche pendant les chaleurs. Comme cette cabane était bien tenue, blanchie à la chaux et meublée par le propriétaire de Ravensnest, elle était toujours en bon état. Un jardin y était annexé, et il était dans une excellente condition, le nègre s’y démenant tout l’été, quoique la culture régulière en fût faite par un jardinier de notre maison, qui avait ordre d’y consacrer de temps à autre une demi-journée. D’un côté de la hutte était un toit à porcs et une petite étable pour une vache ; de l’autre, les arbres de la forêt vierge ombrageaient la cabane de leurs branches séculaires. Cet arrangement assez poétique était la conséquence d’un compromis entre les deux habitants de la cabane ; le nègre insistant pour avoir les accessoires de sa rude civilisation, tandis qu’à l’Indien il fallait l’ombre des bois pour le réconcilier avec sa position. Là demeuraient ensemble, depuis un nombre d’années équivalant à la durée d’une vie ordinaire, ces deux êtres si singulièrement associés, l’un descendu des races avilies de l’Afrique, l’autre de la race inculte, mais fière, des aborigènes de ce continent. La cabane elle-même commençait à paraître ancienne, mais ceux qui l’habitaient n’étaient guère changés pour ceux qui les connaissaient. Ces exemples de longévité, quoi que puissent dire à ce sujet les théoriciens, ne sont pas rares parmi les nègres ou les indigènes, bien que moins fréquents peut-être parmi les derniers que parmi les premiers. On a coutume de dire que le grand âge souvent attribué aux hommes de ces deux races tient à ce que l’on ignore l’époque de leur naissance, et par conséquent qu’ils ne vivent pas plus longtemps que les blancs. Cela peut être vrai en général car il n’y a pas vingt-cinq ans que, dans le voisinage de Ravensnest, il