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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/111

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trempées dans l’eau, n’en poursuit pas moins son vol. Il commença à espérer que son ami franchirait heureusement les récifs qui pourraient se trouver sur son passage, et qu’il parviendrait à gagner le large du côté sous le vent. La crue subite de la mer motivait cette espérance, et autrement, en effet il ne serait pas resté une seule planche de la Neshamony cinq minutes après qu’entraînée par les eaux elle avait roulé à la mer. Une fois sous le vent des nombreux écueils qui entouraient le Cratère, il était probable que Bob trouverait une mer plus tranquille, et qu’il pourrait faire tête à la lame. À voir l’affreux bouillonnement à travers lequel la pinasse était emportée, on eût plutôt dit une immense chaudière en ébullition sous l’action de feux souterrains, que le mouvement régulier des vagues, même lorsqu’elles sont soulevées par la tempête.

Pendant un quart d’heure à peu près, Marc put suivre l’embarcation au milieu de la tourmente, quoique déjà il l’eût perdue plus d’une fois de vue, à cause de la distance, de son peu de hauteur, de l’absence de toute voile, et du tumulte des éléments. Mais alors un coup de vent terrible le força à baisser la tête, et, quand il la releva, la Neshamony avait disparu !

Quel changement soudain et inattendu dans la position de Marc Woolston ! Avec son ami, il perdait tout moyen de sortir de l’île. Sans doute Bob était un simple matelot, sans usage du monde et sans instruction, mais jamais cœur plus honnête n’avait battu dans une poitrine d’homme ; et un dévouement à toute épreuve, une force peu commune, une rare habileté dans son état ! Il était homme à savoir se maintenir sous le vent des écueils jusqu’à ce que l’ouragan fût passé, et à les traverser alors de nouveau pour venir le rejoindre. Une seule chose inquiétait Marc : Bob n’entendait rien à la navigation. Jamais il n’avait pu en apprendre le premier mot. Jamais, par exemple, il n’avait pu distinguer la latitude de la longitude. Vingt fois Marc avait cherché à lui donner quelques leçons ; c’était peine perdue : son élève confondait toujours les degrés avec les minutes, et les minutes avec les degrés. Marc s’était tué à lui répéter