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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/184

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chérie ! Deux des tentes avaient été apportées ; elles avaient un plancher en bois, et étaient vastes et commodes. Au surplus, c’est à peine si un toit était nécessaire dans ce climat délicieux, où des arbres touffus offraient un abri suffisant. Un hangar couvert en chaume fut construit à côté. Le troisième jour, l’installation était complète, et Marc dut songer à retourner à l’île Rancocus. Cette séparation, toute courte qu’elle dût être, fit verser bien des larmes à Brigitte ; et elle lui recommanda surtout de se méfier des insulaires, s’ils avaient reparu depuis son départ.

La traversée entre les deux îles devenait chaque fois plus facile. À chaque voyage, Marc était plus au fait de la direction des courants et de la hauteur des lames. Il mit cette fois trois heures de moins à franchir la distance, et, parti au point du jour, il arrivait à midi à l’île Rancocus. Rien n’était survenu pendant son absence, et l’on s’occupa sans retard de charger la pinasse. Une des vaches y trouva place avec son veau ; et les instants étaient si précieux que la Neshamony repartait le soir même du jour où elle était arrivée.

Brigitte était au pied du ravin quand la pinasse fit son entrée dans l’Anse Mignonne, et, l’instant d’après, Marc la pressait contre son cœur. Que ce retour était différent des autres, lorsque le pauvre solitaire n’avait personne dont la main pût serrer la sienne à l’arrivée ! Aujourd’hui la vue de son amie lui avait fait oublier à l’instant sa fatigue, et ce fut avec une émotion profonde qu’il lui fit remarquer ce délicieux contraste.

Ce ne fut pas chose facile de décider la vache à gravir la montagne. Elle avait eu beaucoup de plaisir à se désaltérer à la source ; mais l’aridité du roc ne l’engageait guère à monter plus haut. Enfin on eut l’idée de porter le veau pendant quelque temps, et ses cris décidèrent sa mère à le suivre. Au bout d’une heure on arrivait à l’Éden, et la vache prouva que ce nom n’était pas usurpé, car à la vue de l’herbe appétissante qui lui rappelait qu’elle n’avait pas déjeuné, elle poussa des ruades de plaisir, et la queue en l’air et la tête en avant elle se mit à cara-