Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naturels ne pouvaient voir la fumée, qui leur était masquée par les bois et par les murs de granit ; aussi leur stupeur fut-elle extrême, et ils ne pouvaient concevoir ces longs et retentissants coups de tonnerre qui semblaient partir de tous les coins de l’île à la fois. Un cri s’éleva que les rochers étrangers parlaient, et que les dieux du lieu étaient courroucés. Ce cri fut le signal d’une débâcle générale ; on eût dit que les canots luttaient à qui se mettrait le plus vite à l’abri des quartiers de roche qu’ils s’attendaient à voir pleuvoir sur leurs têtes. Pendant une demi-heure on n’entendit que le bruit des pagaies qui faisaient jaillir des flots d’écume par les mouvements furieux qui leur étaient imprimés.

Jusque-là le plan du gouverneur avait réussi même au delà de ses espérances. S’il pouvait se débarrasser de ces sauvages sans effusion de sang, ce serait pour lui une vive satisfaction, car il lui répugnait de balayer à coups de canon cette foule stupide. Comme il se félicitait avec Heaton de ce premier résultat, un messager accourut du Pic, où Brigitte était restée en observation, pour annoncer que la Didon se dirigeait vers l’île, et qu’elle approchait de la pointe septentrionale. On était convenu d’un signal qui devait faire connaître si l’on pouvait sans danger entrer dans l’Anse, et Brigitte envoyait demander si c’était le moment de le faire ; si on différait, l’embarcation serait bientôt trop près pour l’apercevoir. Le gouverneur jugea l’instant favorable : le mouvement de fuite était loin de se ralentir, et il avait lieu vers le sud-ouest, tandis que c’était par le nord-est que la Didon devait arriver. L’ordre fut donc donné d’arborer le signal.

Brigitte se hâta de le faire ; et, en réponse, le petit bateau déploya sa voile. Il était évident qu’Uncus en avait pris alors la direction. Sans doute, il ne s’était pas mépris sur l’effet que produiraient la détonation et surtout l’écho, qui était un mystère aussi grand et aussi imposant pour lui que pour aucun de ses compatriotes. Seulement il attribua ces voix retentissantes et terribles que semblaient prendre les rochers, au pouvoir que