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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/221

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priver la colonie de leur concours si une autre invasion venait à être tentée, puisque entre les deux établissements la distance ne s’élevait pas à moins de cinquante milles. D’un autre côté, on ne pouvait songer à risquer un combat sur mer avec la Neshamony, la Didon, la Brigitte, et la Marie. Le pierrier qu’on avait mis à bord de la pinasse ne pouvait suffire pour intimider les naturels, qui étaient familiarisés avec l’usage des armes à feu. Il fallait donc avant tout pouvoir disposer du schooner sans lequel le reste de la flotte serait frappée d’impuissance. Voici les mesures qui furent arrêtées en conseil : Heaton resterait au Pic avec Peters et Uncus pour garder ce poste important, pendant que Marc se rendrait au Récif avec tout le reste de la colonie. Bigelow partit un jour où deux avant les autres, pour achever quelques travaux indispensables.

Ce fut dix jours après la retraite de Waally que Marc mit à la voile avec sa petite escadre, composée de la pinasse, de la Brigitte et de la yole. La Didon fut laissée au Pic pour le service de ses défenseurs. Comme la distance était trop grande pour qu’on pût communiquer d’une île à l’autre au moyen de signaux, voici l’expédient que Marc imagina pour y suppléer : un arbre isolé se détachait si près de la cime du Pic qu’on le voyait à une grande distance en mer ; Heaton devait l’abattre dès qu’il apprendrait que Waally méditerait une nouvelle attaque. Le gouverneur enverrait tous les matins une embarcation qui s’avancerait dans le détroit assez loin pour s’assurer si cet arbre était encore debout.

C’était une de ces journées magnifiques, où le climat exerce sa magique influence sur les esprits, et ne laisse place qu’au bonheur de respirer un air si pur et si délicieux. Brigitte avait banni toute inquiétude ; elle souriait à son mari et jouait avec son enfant avec le même abandon que s’il n’eût pas existé de sauvages. La petite troupe était pleine de résolution et d’ardeur : on eût dit que le schooner qu’elle allait lancer lui assurait à jamais la domination des mers.

Favorisée par une bonne brise, la traversée fut courte et