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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/362

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l’authenticité. De nos jours ce prestige s’est bien évanoui ; la presse, par ses excès mêmes, a trouvé le moyen de détruire cette crédulité, par trop naïve, et, au lieu de dire « C’est vrai, car je l’ai lu dans un journal, » — on dit généralement aujourd’hui « Ce n’est qu’un bruit de gazette. »

Le Véridique du Cratère avait donc toute carrière, et il en usait largement. Tout en s’occupant des affaires de la colonie, il ne négligeait pas les siennes. Ainsi, il insérait de temps en temps de petits articles dans le genre de celui-ci :

« Notre estimable ami, Peter Snooks, vient de nous apporter un échantillon de ses noix de coco que nous n’hésitons pas à déclarer d’une qualité supérieure ; aussi est-ce avec une entière confiance que nous les recommandons aux ménagères du Cratère. »

Et les échantillons de tout genre pleuvaient chez le journaliste. S’il avait quelques démêlés avec la justice, il avait grand soin de ne présenter qu’un côté de la question, et c’était toujours le sien. Il y avait bien des moments où par suite d’allégations faites impudemment et contre toute évidence, son crédit semblait baisser ; mais alors il avait recours aux grands mots : il ne parlait plus que du peuple et de ses droits. Le moyen était infaillible : les colons donnaient tête baissée dans le panneau ; le journaliste remontait sur son piédestal, et ses doctrines étaient une sorte de don du ciel pour former le palladium de leurs précoces libertés !

La grande théorie mise en avant par ce politique de bas étage c’était que, dans toute société, la majorité avait le droit de faire ce qui lui plaisait. Le gouverneur vit, dès le principe, non-seulement la fausseté, mais le danger de cette doctrine, et il ne dédaigna pas de descendre lui-même dans l’arène pour la combattre :

« Mais si cette théorie est foncièrement vraie, disait-il, si la majorité a ce droit, et qu’elle puisse en user arbitrairement, elle a donc le droit de mettre sa volonté au-dessus des commandements divins, et de sanctionner le meurtre, l’inceste,