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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/45

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une chique de sa boîte à tabac ; et je ne serais pas surpris, pour peu qu’il y ait un bout de terre sous le vent, que nous soyons destinés, vous et moi à en être les Robinson Crusoë pour le reste de nos jours. C’était la crainte qui poursuivait toujours ma pauvre mère lorsque je m’embarquai. Elle me voyait à chaque instant mangé par les sauvages.

— Voyons donc si nous n’apercevrons pas nos embarcations, reprit gravement Marc. — L’image de Brigitte se présentait dans ce moment à son esprit d’une manière si distincte qu’il en éprouvait une vive et pénible émotion.

Jusqu’alors un voile épais de vapeurs était resté étendu sur les eaux à moins d’une lieue de distance du bâtiment, du côté de l’ouest, et avait empêché d’examiner à fond cette partie de l’horizon. Mais l’action du soleil le dissipa tout à coup, et, pour la première fois, Bob crut apercevoir quelque chose comme de la terre. D’où il était, Marc ne distinguait rien. Il monta dans les barres de perroquet, où il découvrit à son tour ce qui ne pouvait être qu’une portion de récif s’élevant au-dessus de l’eau, ou quelque île basse, isolée, qui pouvait être à deux lieues du bâtiment.

C’était de ce côté que leurs compagnons avaient dû dériver. Bob alla chercher une lunette pour Marc, qui se convainquit alors que c’était un roc nu où il y avait beaucoup d’oiseaux, mais pas une seule trace d’homme. Il eut beau interroger tous les autres points de l’horizon ce rocher, qui n’avait pas un mille d’étendue, était la seule chose qui ressemblât à de la terre, et il en vint à cette triste conviction que tous leurs compagnons avaient péri.

Marc et Bob redescendirent sur le pont après avoir passé plus d’une heure à faire leurs observations, tous deux convaincus que leur situation était à peu près désespérée, mais tous deux trop résolus, trop imbus du véritable esprit du marin, pour se laisser aller à un stérile abattement. Ils songèrent à réparer leurs forces, et s’assirent sur le cabestan pour prendre un peu de nourriture. Ce sont de ces moments où l’officier et le matelot