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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 29, 1852.djvu/78

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fallait pas oublier qu’on était au printemps, et que les grandes chaleurs amèneraient la sécheresse à leur suite. Enfin, pour dernière objection, le Récif manquait d’étendue comme de variété ; on l’embrassait d’un coup d’œil, et il n’y avait que le Cratère qui fît quelque diversion à son aride monotonie. Une fois la provision de bois qui était à bord épuisée, il n’y avait ni branches ni broussailles d’aucune espèce pour alimenter le feu.

Mais ces graves inconvénients étaient compensés par de grands avantages. Le Rancocus leur était resté avec tout ce qu’il contenait ; il leur fournissait une demeure, des vêtements, des vivres, de l’eau et du combustible pour bien longtemps ou même, pour peu qu’il fût possible de glaner quelque chose sur ces tristes rochers, pour toute leur vie. Sa cargaison, qui eût été de peu de valeur dans un pays civilisé, leur offrait de grandes ressources. Sans doute les verroteries et les colifichets qu’on avait emportés pour faire des échanges avec les sauvages, ne leur seraient d’aucune utilité, mais les armateurs étaient, comme nous l’avons dit, des quakers aussi prévoyants que zélés, qui entendaient leurs intérêts à merveille. Outre une collection d’outils et d’instruments de tout genre, ils avaient embarqué un assortiment d’étoffes grossières, de faïence commune, de ces mille-petits riens, très-utiles à ceux qui savent s’en servir.

Quant à l’eau potable, il n’y avait pas autant de crainte à avoir que Marc l’avait pensé dans le premier moment. La saison des pluies devait durer au moins plusieurs semaines, et les cavités nombreuses qui se trouvaient dans le cratère formaient autant de citernes naturelles. Il suffisait donc d’avoir soin de remplir à certaines époques les futailles du bâtiment. Sans doute c’était une grande privation de ne pouvoir étancher sa soif à une source limpide ; mais de l’eau de pluie, recueillie sur un roc bien lisse, et conservée dans des tonneaux, était une boisson très-tolérable pour un marin ; d’ailleurs, le capitaine Crutchely avait fait placer une fontaine filtrante dans la cabine, et l’on y passait l’eau avant de la servir.

Somme toute, en établissant la balance, Marc trouvait qu’il