Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’enfant d’un ton fier ; car il n’y a point de loi pour cela, et Job n’irait pas.

— Vos grandes connaissances vous perdront, Job. Qui donc vous apprend ces subtilités de la loi ?

— Quoi ! pensez-vous bonnement que le peuple de Boston soit assez simple pour ne pas connaître la loi ? demanda Job avec un étonnement marqué ; et Ralph aussi connaît la loi aussi bien que le roi. Il m’a dit qu’il n’y avait point de loi qui permît de tirer sur les hommes à la minute, à moins qu’ils ne fissent feu les premiers, parce que la colonie a le droit de faire l’exercice quand cela lui plaît.

— Ralph ! s’écria vivement Lionel ; Ralph est-il donc ici avec vous ? c’est impossible ; je l’ai laissé malade à Boston. D’ailleurs, à son âge, il ne viendrait pas se mêler à une affaire telle que celle-ci.

— Je crois que Ralph a vu d’autres armées que votre infanterie légère, vos grenadiers, et tous vos soldats restés à Boston, mis ensemble, dit Job d’un ton évasif.

Lionel avait des sentiments trop généreux pour abuser de la simplicité de Job, dans la vue de lui arracher aucun secret qui pût mettre en danger sa liberté ; mais l’intérêt profond qu’il prenait au sort de ce pauvre diable, qui s’était mis sous sa protection, comme nous l’avons déjà dit, lui fit poursuivre cet entretien, dans le double but de détourner Job par ses conseils de toute association dangereuse, et en même temps d’éclaircir ses propres craintes au sujet du malheureux vieillard. Il lui fit donc de nouvelles questions ; mais l’idiot y répondit toujours avec une réserve qui montrait que, s’il n’était pas doué d’une intelligence supérieure, il n’était dénué ni de malice, ni de finesse.

— Je vous répète, dit Lionel perdant patience, qu’il est important pour moi de parler à l’homme que vous appelez Ralph, et je voudrais savoir s’il est près d’ici.

— Ralph dédaigne le mensonge, répondit Job ; allez où il vous a promis de se trouver, et vous verrez s’il n’y vient point.

— Mais il ne m’a point assigné de lieu. Ce malheureux événement peut lui causer de l’embarras, de la frayeur…

— De la frayeur ! répéta Job en branlant la tête d’un air d’incrédulité ; Ralph n’est point de ces hommes qu’on effraie !

— Son audace peut l’entraîner à sa perte. Enfant, je vous demande pour la dernière fois si le vieillard…