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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/159

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que la curiosité amenait près de leurs fenêtres à demi ouvertes pour voir ce qui se passait dans la rue, et dont les yeux découvraient son costume militaire. De forts détachements de troupes marchaient dans diverses directions, d’une manière qui annonçait qu’on renforçait les postes ; et le petit nombre d’officiers isolés qu’il voyait le regardaient approcher avec un air de précaution inquiète, comme s’ils eussent craint de trouver un ennemi dans chaque personne qu’ils rencontraient.

Les portes de la maison commune de la province étaient ouvertes, et, suivant l’usage, gardées par des sentinelles. Lionel, en passant, reconnut le grenadier à qui il avait parlé la soirée précédente, et qui était en faction à la porte du gouverneur.

— Votre expérience ne vous a pas trompé, mon camarade, lui dit-il en s’arrêtant un moment, nous avons eu une chaude journée !

— C’est ce qu’on nous a dit aux casernes, répondit le grenadier. Notre compagnie n’a pas marché, et nous avons à faire double faction cette nuit. J’espère que la première fois qu’il y aura de la besogne, on n’oubliera pas ma compagnie. Il eût été à désirer pour l’honneur de l’armée qu’on l’eût mise en campagne aujourd’hui.

— Et pourquoi pensez-vous ainsi, mon vétéran ? On n’a rien à reprocher aux troupes ; elles se sont bien conduites ; mais il était impossible qu’elles fissent tête à une multitude armée semblable à celle qui les attaquait.

— Il ne n’appartient pas de dire qu’une troupe se soit bien ou mal conduite ; mais quand j’entends dire que deux mille hommes de troupes anglaises ont tourné le dos, ou ont marché au pas redoublé devant la canaille de ce pays, je voudrais que mon régiment y eût été, ne fût-ce que pour voir de mes propres yeux ce spectacle déshonorant !

— Il ne peut y avoir de déshonneur quand il n’y a pas d’inconduite.

— Il faut qu’il y ait eu de l’inconduite quelque part, Votre Honneur, sans quoi une pareille chose n’aurait jamais pu arriver. Réfléchissez-y bien, Votre Honneur, la fleur de l’armée ! Il faut que quelque chose ait mal été, et, quoique j’aie vu la dernière partie de l’affaire d’une haute montagne, à peine puis-je croire que cela soit vrai.