seigneurs viennent en Amérique pour devenir de pauvres diables. Nab dit que Job est aussi le fils d’un grand seigneur.
— C’est la preuve que Nab n’est pas moins folle que son fils, dit Lionel. Mais j’ai besoin de parler ce matin à votre mère, Job, et je voudrais savoir à quelle heure je pourrai la trouver.
Job ne répondit point, et Lionel en tournant la tête s’aperçut que l’idiot était déjà bien loin et qu’il avait repris le chemin des sépultures. Irrité contre celui dont les contes absurdes avaient produit sur son imagination une impression dont il ne pouvait se défendre, il rentra chez lui et se mit dans son lit au même instant ; mais il entendit plus d’une fois encore les cris réitérés de tout va bien, avant que les visions étranges qui le poursuivaient lui permissent de goûter le sommeil dont il avait besoin.
CHAPITRE XV.
orsque le sommeil appesantit enfin les paupières du jeune
officier, des visions fantastiques, qui lui peignaient à la fois le
passé et l’avenir, se succédèrent confusément dans ses rêves. Il
revit son père tel qu’il l’avait connu dans son enfance, plein de
force et de vigueur, jetant sur lui des regards où se peignaient à
la fois l’affection et la mélancolie, expression qui lui était devenue
habituelle depuis que rien ne l’attachait plus au monde,
excepté son fils. Tandis que le cœur de Lionel s’animait à cette
vue, l’apparition s’évanouit, et il se vit entouré de fantômes qui
semblaient danser autour des sépultures de Gopp’s-Hill. À la tête
de ces orgies, qui avaient quelque chose de l’appareil lugubre de
la mort, se montrait Job Pray se glissant le long des tombeaux