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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/208

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l’oreille fut accoutumée au fracas des décharges de l’artillerie, qui depuis le point du jour n’avaient point cessé d’ébranler la terre, qu’elle put distinguer ce qui, en comparaison, n’était qu’un faible murmure.

Lorsqu’ils descendirent dans la partie basse de la ville, ils la trouvèrent déserte et abandonnée. Les fenêtres étaient ouvertes, les portes n’étaient même pas fermées, tant avaient été rapides et irrésistibles les sensations qui avaient entraîné le peuple à chercher des positions plus favorables pour observer la lutte qui allait s’engager. Cette scène d’abandon et d’isolement, qui peignait si bien le vif intérêt qui était excité, produisit le même effet sur les deux généraux, et doublant le pas ils furent bientôt arrivés avec Lionel sur le sommet de la colline, d’où, planant au-dessus de tous les édifices, leurs regards s’étendaient librement sur tout l’horizon.

Le lieu de la scène se déroulait tout entier devant eux comme un tableau magique. Presque en face était le village de Charlestown, avec ses rues désertes et ses toits silencieux, semblable à l’enclos de la mort ; ou si quelques signes de vie animaient encore son enceinte, c’étaient les pas précipités de quelque habitant attardé qui traversait rapidement cette solitude pour quitter au plus vite un emplacement qui devenait dangereux. Au sud-est de la péninsule, et à la distance d’environ cinq cents toises, la terre était déjà couverte d’une quantité d’uniformes rouges, et les armes des soldats resplendissaient aux rayons du soleil. Entre deux, quoique dans le voisinage plus immédiat du village, se prolongeait la colline que nous avons déjà décrite, et qui, d’une plaine bordée par l’eau, s’élevait presque perpendiculairement jusqu’à la hauteur de cinquante ou soixante pieds. C’était sur le sommet de cette colline qu’avait été élevée la redoute qui causait tous ces grands mouvements.

Les prairies, sur la droite, étaient toujours riantes et paisibles comme dans les jours les plus tranquilles de la province, quoiqu’il semblât à l’imagination frappée de Lionel qu’un long voile de deuil s’était étendu tout à coup sur la campagne, afin que tout fût en harmonie avec la scène lugubre qui se préparait. Au loin sur la gauche, de l’autre côté du détroit de Charles, le camp des Américains avait vu partir tous ses soldats pour aller prendre position sur les collines, et toute la population du pays,