CHAPITRE XVII.
uoique la bataille de Bunker-Hill eût été livrée pendant que
le foin était encore sur les prairies, les chaleurs de l’été avaient
été suivies par les gelées piquantes de novembre, les feuilles
étaient tombées à l’époque ordinaire, et l’on avait éprouvé les
tempêtes et les gelées de février avant que le major Lincoln eût pu
quitter la couche sur laquelle il avait été placé, lorsqu’on l’avait
rapporté, privé de toute connaissance, des hauteurs fatales de la
péninsule de Charlestown. Pendant ce long espace de temps, la
balle cachée dans le corps de Lionel avait mis en défaut la science
des plus habiles chirurgiens anglais, et toute leur expérience ne
leur donnait pas le courage de s’exposer au risque de couper des
artères et des tendons qui leur semblaient s’opposer à ce qu’ils
arrivassent jusqu’au plomb fatal qu’ils regardaient tous comme
l’unique obstacle à la guérison ; c’était une épreuve qu’ils ne se
souciaient pas de faire sur l’unique héritier de la maison de Lincoln.
Si c’eût été Meriton qui eût été blessé ainsi, au lieu de son
maître, il est très-probable que son sort aurait été décidé beaucoup
plus promptement.
Enfin, on vit arriver d’Europe un jeune chirurgien entreprenant, qui avait sa réputation à faire, et qui, possédant plus de science ou plus d’audace que ses confrères, ce qui produit quelquefois le même effet, n’hésita pas à prononcer qu’une opération était indispensable. L’état-major des médecins et chirurgiens de l’armée sourit avec dédain de l’assurance de cet audacieux novateur, et se contenta d’abord de lui prouver son mépris en ne répondant rien. Mais quand les amis du blessé, se livrant suivant l’usage aux conseils flatteurs de l’espérance, eurent consenti que le hardi praticien employât ses instruments, tous les docteurs de l’armée se récrièrent à haute voix, et les clameurs devinrent