Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/246

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous estimez le major Lincoln, vous êtes disposée à admirer Howe et tous ses myrmidons ; moi, je puis avoir pitié et rester ferme dans mes principes.

— Le moment arrivera.

— Jamais ! s’écria Agnès avec une chaleur qui la faisait aller plus loin qu’elle ne le voulait, car elle ajouta sur-le-champ :

— Ou du moins, s’il arrive, ce ne sera jamais avec un habit écarlate.

Cécile sourit, et ayant achevé la toilette qu’elle faisait pour le dîner, elle se retira sans répondre.

Ces petites discussions, plus ou moins animées par la vivacité particulière d’Agnès, se renouvelaient assez fréquemment ; mais l’œil de sa cousine devenait tous les jours plus pensif, et l’indifférence avec laquelle elle écoutait se montrait plus à découvert dans chaque conversation qui succédait à une autre.

Cependant le siège, quoique conduit avec beaucoup de soin et de vigilance, n’était qu’un blocus.

Les Américains étaient cantonnés par milliers dans les villages voisins, et de forts détachements étaient campés près des batteries qui commandaient les approches de la place. Quoique leurs ressources se fussent considérablement augmentées par la prise de plusieurs bâtiments chargés d’armes et de munitions, et par la réduction de deux forteresses importantes sur les frontières du Canada, ils n’étaient pas assez riches en approvisionnements de guerre pour les prodiguer sans nécessité, comme on le fait souvent. La rareté des munitions était donc une raison pour les ménager ; mais ils avaient un motif personnel qui s’y joignait encore : c’était le désir de reprendre leur ville en y causant le moins de dommage possible. D’une autre part, l’impression qu’avait faite la bataille de Bunker-Hill était encore assez fraîche pour réprimer l’esprit entreprenant des chefs de l’armée royale, et ils souffraient que Washington tint en échec leurs forces nombreuses et bien organisées, tandis qu’il n’avait sous ses ordres qu’une multitude indisciplinée et mal armée, qui quelquefois même se trouvait dépourvue de tout moyen d’opposer aux ennemis qui l’auraient attaquée une résistance momentanée[1].

Néanmoins, comme on maintenait toujours une apparence

  1. Par les changements fréquents de ces corps irréguliers, l’armée américaine fut plus d’une fois inférieure en nombre à celle qu’elle attaquait.