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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/292

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Mais si le major Lincoln avait combattu si bien et avec tant de succès les appréhensions de son épouse, il ne lui fut pas si facile de remporter sur lui-même une semblable victoire. Cette sensibilité portée jusqu’à l’excès, qu’il tenait de famille, avait été excitée à un point très-alarmant par les incidents de la veille, quoique son amour pour Cécile fût parvenu à la maîtriser aussi longtemps qu’il avait été lui-même témoin de sa faiblesse. Mais à mesure que Cécile, cédant à sa douce éloquence, se laissait persuader d’oublier de fâcheux souvenirs, ces mêmes souvenirs se présentaient plus vifs et plus poignants à l’esprit de Lionel, et, malgré tous ses efforts, il n’aurait pu cacher longtemps encore à sa jeune épouse le trouble qui le dévorait, si heureusement Agnès n’était venue dire que Mrs Lechmere désirait voir les nouveaux mariés.

— Venez, Lincoln, lui dit sa charmante compagne en se levant aussitôt ; il y a de l’égoïsme à nous d’avoir oublié si longtemps toute la part qu’elle prend à notre bonheur. C’est un devoir que nous aurions dû remplir, sans attendre qu’elle fût obligée de nous le rappeler.

Lionel, pour toute réponse, lui serra tendrement la main, et passant le bras de Cécile sous le sien, il suivit Agnès dans le petit vestibule qui conduisait aux étages supérieurs de la maison.

— Vous connaissez le chemin, major Lincoln, dit miss Danforth, et si vous l’aviez oublié, madame la mariée est là pour nous le montrer. Quant à moi, je vais aller jeter un coup d’œil sur le petit banquet que j’ai commandé ; vous verrez que nous nous sommes mis en frais pour vous fêter ; mais je crains bien que ce ne soit en pure perte, puisque le capitaine Polwarth a dédaigné de venir faire honneur au festin. En vérité, major Lincoln, je m’étonne qu’un homme aussi positif que votre ami se laisse effrayer par une ombre au point d’en perdre l’appétit.

Il y avait quelque chose de contagieux dans la gaieté d’Agnès, et Cécile, ne put s’empêcher de sourire ; mais l’air sombre et soucieux de son mari lui rendit à l’instant tout son sérieux.

— Mentons sans perdre de temps, Lincoln, lui dit-elle, et laissons la folâtre Agnès continuer ses grands préparatifs.

— Oui, allez, s’écria celle-ci en se dirigeant vers la salle du banquet. Boire et manger ! fi ! c’est trop matériel pour des êtres d’une nature aussi exquise que la vôtre. Que ne puis-je préparer