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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/305

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ment par attachement pour sa cousine, qui sans elle aurait eu peine à supporter l’ennui de sa solitude.

Par suite de cette disposition, la mort inattendue de Mrs Lechmere était pour elle un sujet de deuil, mais non pas de désespoir. Sans doute si l’état de Cécile ne lui eût pas causé autant d’inquiétude, elle se fût retirée pour pleurer librement une personne qu’elle connaissait depuis si longtemps, et que, dans la sincérité de son cœur, elle croyait si peu préparée à ce passage solennel. Mais elle vit qu’il ne s’agissait point de répandre de veines larmes, qu’il fallait agir, et passant dans le parloir, elle fit dire à Meriton de venir lui parler.

Lorsque le valet parut, elle affecta un sang-froid bien éloigné de ce qu’elle éprouvait, et le pria de chercher son maître et de lui dire que miss Danforth désirait le voir un moment sans délai. Pendant que Meriton était allé s’acquitter de sa commission, elle s’efforça d’appeler toute son énergie pour se tenir prête à tout événement.

Cependant les minutes s’écoulaient, et Meriton ne revenait point. Elle se leva, et rapprochant sans bruit de la porte, elle prêta l’oreille. Elle crut entendre parcourir les parties les plus reculées de la maison, d’un pas précipité qui prouvait qu’il faisait sa recherche en conscience. Enfin le bruit des pas approcha, et elle se convainquit bientôt qu’elle allait le revoir. Elle reprit aussitôt sa place, et à son air on eût dit qu’elle s’attendait à voir arriver le maître au lieu du valet. Meriton pourtant revint seul.

— Eh bien ! le major Lincoln ? dit Agnès ; lui avez-vous dit que je l’attendais ici ?

L’étonnement était peint dans tous les traits de Meriton.

— Bon Dieu ! miss Agnès, s’écria-t-il, mon maître est sorti ? sorti un soir comme celui-ci ! et ce qui est encore plus étrange, il est sorti sans être en deuil, lorsque la mort est entrée dans la maison, et l’a frappé dans une personne de son sang encore !

Agnès sut se contenir ; elle suivit le cours que les pensées de Meriton avaient pris, dans l’espoir d’arriver plus facilement à la vérité, sans laisser entrevoir les craintes qui l’agitaient.

— Comment savez-vous, monsieur Meriton, que votre maître ait poussé à ce point l’oubli des convenances ?

— C’est aussi sûr, Madame, que je le suis qu’il avait ce soir-là son grand uniforme lorsqu’il est sorti pour la première fois, quoi-