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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/343

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j’en reconnais la vérité. Il était bien facile à Ralph et au major Lincoln de sortir de la ville de la même manière que vous avez coutume d’y entrer.

— Bien certainement, répondit Job que toutes ces questions commençaient à fatiguer, en enfonçant sa tête sous sa couverture ; Ralph connaît le chemin, il est né à Boston.

L’étranger se tourna vers Cécile, qui écoutait avec grande attention, et la salua, comme pour lui dire qu’il en avait assez appris. Cécile le comprit parfaitement, et fit un mouvement pour s’approcher d’Abigaïl, dont les gémissements qui lui échappaient de temps en temps prouvaient les angoisses qu’elle endurait.

— Mon premier soin, lui dit-elle, sera de pourvoir à vos besoins ; après quoi je profiterai des informations que je viens d’obtenir.

— Ne pensez ni à moi ni aux miens, répondit Abigaïl avec un ton de résignation plein d’amertume ; le dernier coup est porté, et des gens comme nous doivent s’y soumettre sans se plaindre. Les richesses et l’abondance n’ont pu préserver votre grand’mère du tombeau, et peut-être la mort prendra-t-elle bientôt pitié de moi. Que dis-je ? pécheresse que je suis ! ne pourrai-je jamais forcer mon cœur rebelle à attendre patiemment son temps ?

Choquée du désespoir que montrait cette femme, et se rappelant que Mrs Lechmere à ses derniers moments avait manifesté les mêmes indices d’une vie si criminelle, Cécile resta quelques instants dans une tristesse silencieuse. Enfin, ayant recueilli ses pensées, elle lui dit avec la pitié d’un chrétien jointe à la douceur d’une femme :

— Il nous est sûrement permis de pourvoir à nos besoins sur la terre, quelles que puissent avoir été nos fautes, et vous ne refuserez certainement pas les services que j’ai dessein de vous rendre. Partons maintenant, ajouta-t-elle en s’adressant à l’étranger qui l’avait accompagnée. Voyant Polwarth faire un mouvement qui annonçait l’intention où il était d’avancer vers elle pour lui offrir la main, elle le salua poliment et lui dit : — Je vous remercie, capitaine, mais ne vous dérangez pas. J’ai avec moi ce digne homme et Meriton pour me reconduire, et ma femme de chambre m’attend à la porte. Je vous laisse donc en liberté de vous occuper de vos propres affaires.

À ces mots elle adressa au capitaine un sourire mêlé de douceur