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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/367

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semblaient la tenir prisonnière, avec toute la confiance qu’une Américaine manque rarement d’accorder à la douceur et à la raison de ses compatriotes. Ceux qui composaient cette petite troupe portaient les vêtements ordinaires des habitants de la campagne, avec quelques insignes de l’accoutrement martial des soldats. Ils n’avaient pour toutes armes que des mousquets, et ils les maniaient avec la dextérité d’hommes habitués à s’en servir mais de manière à prouver qu’ils ne connaissaient pas l’exercice et les manœuvres des troupes régulières.

Toutes les fibres du corps de Meriton tressaillirent de frayeur quand il se vit entouré par les Américains, et l’inconnu qui accompagnait Cécile ne parut même pas exempt de toute appréhension. Mais Cécile conserva tout son sang-froid, soutenue soit par le projet qu’elle avait conçu, soit par la connaissance plus intime qu’elle avait du caractère des gens entre les mains desquels elle était tombée.

Quand ceux qui étaient sur le bord de l’eau se furent rapprochés d’elle, ils appuyèrent de nouveau sur la terre la crosse de leurs fusils et écoutèrent paisiblement l’interrogatoire auquel leur chef procéda. On ne le distinguait de ses compagnons que par une cocarde verte[1] attachée à son chapeau, mais Cécile savait que c’était la marque distinctive des officiers subalternes[2].

— Il est désagréable d’avoir à interroger une femme, dit-il d’un ton calme mais ferme, et surtout une femme qui a votre apparence ; mais mon devoir l’exige. Pourquoi êtes-vous venue en cet endroit solitaire, et à une pareille heure, à bord d’une chaloupe d’un vaisseau du roi ?

— Je n’avais nul dessein de cacher mon arrivée, répondit Cécile ; car tout ce que je désire, c’est d’être conduite devant quelque officier supérieur à qui j’expliquerai le motif qui m’amène. J’en connais un grand nombre qui n’hésiteront pas à me croire sur ma parole.

— Nous ne doutons nullement de votre véracité ; mais nous agissons avec précaution, parce que les circonstances l’exigent.

  1. Pendant longtemps le rang des officiers américains ne fut distingué que par la couleur de leurs cocardes. Le capitaine portait la sienne blanche, le lieutenant la portait rouge, le sous-lieutenant verte ; et quand l’indépendance des États-Unis fut déclarée, la cocarde noire fut seule conservée comme nationale.
  2. C’est-à-dire d’un grade au-dessous du capitaine, comme lieutenant, sous-lieutenant ou enseigne.