Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/380

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est aussi brave sur le champ de bataille que ridicule dans un salon. Cependant je dirai à son avantage, quoique je n’aie jamais pu comprendre son caractère, et qu’il soit fier et dédaigneux, que c’est un grand ami de la liberté[1].

Cécile laissa au capitaine le soin de concilier à sa manière ces contradictions apparentes du caractère de son officier supérieur, et se trouva fort soulagée en apprenant que ce n’était pas un pareil homme qui devait avoir quelque influence sur sa liberté. Le conducteur parut alors empressé de regagner le temps perdu, et, fouettant ses chevaux, les fit marcher avec une nouvelle rapidité. Le reste du temps qu’ils mirent à se rendre près de Boxbury se passa en silence. Comme la canonnade continuait vigoureusement des deux côtés, c’eût été trop hasarder que de se placer dans la ligne du feu des ennemis ; c’est pourquoi le jeune officier ayant choisi un endroit où il n’y avait aucun danger à craindre, y laissa Cécile avec ses deux compagnons et les deux gardes, et se rendit lui-même à l’endroit où il croyait devoir trouver le général qu’il avait ordre de chercher. Pendant sa courte absence, Cécile resta dans le chariot, entendant avec effroi le bruit redoutable du canon, et ne voyant pas sans pâlir les éclairs qui l’annonçaient.

Le seul gros mortier qu’eussent les Américains avait crevé la nuit précédente ; mais ils pointaient leurs canons avec une activité constante, non seulement contre les retranchements des Anglais, mais, sur la terre-basse dont ils étaient séparés par le bras de mer de Charles, et encore plus au nord, en face de la position qu’occupaient leurs ennemis sur les hauteurs bien connues de Charleston. Les Anglais, de leur côté, répondaient à cette attaque par un feu roulant de toutes les batteries situées à l’ouest de la ville, tandis que celles du côté de l’est étaient ensevelies dans un profond silence, sans se douter du danger qui les menaçait.

Lorsque l’officier revint, il dit à Cécile qu’il s’était assuré de l’endroit où était le commandant américain, et qu’il avait reçu ordre de la conduire en sa présence. Ce nouvel arrangement obligeait à faire quelques milles de plus, et comme le jeune capitaine commençait à trouver sa mission un peu longue, il eut soin de

  1. L’auteur a sans doute voulu peindre le général Charles Lee, qui était, dit-on, un homme fort irritable ; il avait été un des premiers instigateurs de la rébellion américaine, et il prétendait au commandement en chef : Washington lui fut préféré, ce qui excita sa jalousie, etc.