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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/382

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Il pouvait y avoir dans cette salle une douzaine de personnes : les uns étaient assis tranquillement près du feu, et de ce nombre étaient deux femmes ; d’autres se promenaient, et quelques-uns étaient assis au gré du hasard ou suivant leur choix. Un léger mouvement eut lieu lorsque Cécile entra, mais ce fut l’affaire d’un instant, quoique sa mante de beau drap et son capuchon de soie n’eussent pas manqué d’attirer sur elle les regards des deux femmes, qui l’examinèrent avec des yeux plus sévères qu’elle n’en avait encore rencontré dans son expédition hasardeuse ; elle accepta une chaise qu’on lui offrit près du feu qui brillait dans le foyer, et d’où partait la seule lumière qui éclairât la salle, et se disposa à attendre avec impatience le retour de son conducteur, qui partit sur-le-champ pour aller informer de son arrivée le général américain.

— C’est un terrible temps pour voyager, et surtout pour une dame, dit une femme de moyen âge assise près d’elle, et qui s’occupait à tricoter, quoique ses vêtements annonçassent qu’elle était aussi en voyage ; si j’avais su qu’il se passait aujourd’hui de pareilles choses, je n’aurais jamais traversé le Connecticut, quoique j’aie mon fils unique dans le camp.

— Ce doit être un grand chagrin pour le cœur d’une mère, dit Cécile, quand elle entend le bruit d’un combat dans lequel elle sait que ses fils sont engagés.

— Oui, Royal est engagé pour six mois, et il a presque promis de rester jusqu’à ce que les troupes du roi aient fini par rendre la ville.

— Il me semble, dit un grave fermier qui était assis au coin de la cheminée, de l’autre côté, que, pour un homme qui combat contre la couronne, votre fils a un singulier nom.

— Ah ! mais il faut songer qu’il y a dix-huit ans qu’il le porte, et un nom qu’on a reçu avec le saint baptême ne peut pas se changer suivant le temps et les circonstances. J’étais accouchée de deux jumeaux, et je nommai l’un Prince et l’autre Royal, parce qu’ils étaient nés le jour anniversaire de la naissance du roi : c’était avant que le cœur de Sa Majesté fût changé, et quand tous les habitants des colonies l’aimaient comme s’il eût été de leur chair et de leur sang.

— Eh bien ! bonne femme, dit le fermier en souriant avec un air de bonne humeur et en se levant pour lui offrir une prise de