Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/403

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bres de fer semblaient braver les ravages du temps, gagnait du terrain sur ses compagnons, se retournant de temps en temps pour leur faire signe de le suivre ; et ils le perdirent bientôt de vue dans les champs voisins du cimetière qu’ils venaient de quitter.

Le bruit des pas de ceux qui les poursuivaient ne tarda pas à devenir plus distinct, et, dans les intervalles de la canonnade, qui continuait à gronder dans le lointain, on entendait les cris de ceux qui indiquaient aux autres la marche qu’ils devaient suivre. Malgré le bras vigoureux qui la soutenait, Cécile, épuisée par toutes les fatigues de cette nuit, sentit bientôt qu’elle était incapable de continuer les efforts nécessaires pour assurer leur sûreté commune. Ils venaient d’entrer dans une petite route située à peu de distance de la première, quand Lionel s’aperçut que les forces manquaient entièrement à sa compagne.

— Attendons ici ceux qui nous cherchent, dit-il, et que les rebelles prennent garde d’abuser de leur léger avantage.

À peine avait-il prononcé ces mots, qu’un chariot attelé de quatre bœufs tourna un angle que faisait la route en cet endroit, et le conducteur passa à quelques pieds d’eux. C’était un homme très-avancé en âge, mais qui maniait encore l’aiguillon avec une dextérité qu’il devait à la pratique de plus d’un demi-siècle. La vue de cet homme seul et de sa voiture fit naître tout à coup d’autres idées dans l’esprit de Lionel ; et faisant asseoir sa compagne épuisée sur le bord de la route, il s’avança vers ce paysan d’un air capable de donner des alarmes à un homme qui aurait eu la moindre raison pour appréhender quelque danger.

— Où allez-vous avec ce chariot ? lui demanda-t-il d’un ton brusque.

— Où je vais ? Et où voulez-vous que j’aille. Vieux et jeunes, grands et petits, bœufs et chevaux, chariots et charrettes, tout ne va-t-il pas à la presqu’île de Dorchester cette nuit ? Voyez-vous, continua-t-il en posant à terre la pointe de son aiguillon, et en s’appuyant des deux mains sur l’autre bout, j’ai eu quatre-vingt-trois ans, le 14 mars dernier, et j’espère, s’il plaît à Dieu, qu’il n’y aura plus un habit rouge dans Boston à pareil jour de l’année prochaine. À mon avis, il y a assez longtemps qu’ils y sont, et il est temps qu’ils en partent. Mes enfants sont soldats dans le camp, et c’est ma vieille femme qui, depuis le coucher du soleil, m’a aidé à charger ma voiture comme vous