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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/43

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Un peu surpris de l’espèce de contradiction qu’il remarquait dans les paroles de Mrs Lechmere, Lionel se contenta d’incliner la tête en silence, et il essaya d’engager la conversation avec la jeune personne silencieuse et réservée qui était près de lui, tentative bien naturelle de la part d’un jeune homme de son âge. À peine avait-il en le temps de lui faire une ou deux questions et d’en recevoir la réponse, que Mrs Lechmere dit à sa nièce, en montrant quelque mécontentement au sujet de sa petite-fille :

— Allez, Agnès, allez apprendre à Cécile l’heureuse arrivée de son cousin. — Elle n’a pas cessé de s’occuper de vous pendant tout le temps qu’a duré votre voyage. Depuis le jour où nous avons reçu la lettre qui nous annonçait l’intention où vous étiez de vous embarquer, nous avons demandé chaque dimanche les prières de l’Église pour une personne qui était en mer, et j’ai remarqué avec plaisir la ferveur avec laquelle Cécile joignait ses prières aux nôtres.

Lionel murmura quelques mots de remerciement, et se renversant sur sa chaise, il leva les yeux au ciel ; mais nous n’entreprendrons pas de décider si ce fut ou non un mouvement de pieuse gratitude. Dès qu’Agnès avait entendu l’ordre de sa tante, elle s’était levée et avait quitté la chambre. La porte était fermée depuis quelque temps avant que le silence eût été rompu de nouveau ; deux ou trois fois cependant Mrs Lechmere avait essayé de parler. Son teint pâle et flétri, malgré son immobilité habituelle, était devenu plus livide encore, et ses lèvres tremblaient involontairement ; enfin elle réussit à s’exprimer, quoique les premiers mots qu’elle prononça fussent mal articulés.

— Peut-être m’accusez-vous d’indifférence, cousin Lionel, lui dit-elle ; mais il y a des sujets qui ne peuvent être traités convenablement qu’entre proches parents. J’espère que vous avez laissé sir Lionel Lincoln en aussi bonne santé que peut le permettre sa maladie mentale ?

— Du moins on me l’a dit, Madame.

— y a-t-il longtemps que vous ne l’avez vu ?

— Il y a quinze ans ; on m’a dit depuis lors que ma vue redoublait son délire, et le médecin défend qu’il voie personne. Il est toujours dans le même établissement près de Londres, et comme ses moments lucides deviennent de jour en jour plus longs et plus fréquents, je me berce souvent de la douce illusion de voir mon