Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE V.


Pour nous et notre tragédie, nous réclamons humblement votre indulgence, et vous prions de nous écouter patiemment.
Shakspeare. Hamlet.


Nous devons maintenant faire rétrograder le lecteur d’une centaine d’années, afin d’éclaircir ce qui pourrait paraître obscur dans notre histoire. Reginald Lincoln était le cadet d’une famille ancienne et très-riche, qui avait conservé tous ses biens, à travers tous les changements qui signalèrent les périodes trop fécondes en événements de la république et de l’usurpation de Cromwell. Néanmoins il n’avait guère hérité de ses ancêtres que d’une sensibilité poussée jusqu’à l’excès, qui, même dans ce temps, paraissait être un mal héréditaire dans sa famille. Jeune encore, il avait épousé une femme qu’il adorait et qui mourut en donnant le jour à son premier enfant. La douleur de Reginald porta toutes ses idées vers la religion ; mais malheureusement, au lieu d’y chercher ces douces consolations qui auraient cicatrisé les plaies de son cœur, son esprit agité le jeta dans des rêveries théologiques souvent dangereuses, et le résultat de sa conversion fut d’en faire un puritain ascétique et un partisan obstiné de la prédestination. Il n’est pas étonnant qu’un homme de ce caractère, que presque aucun lien n’attachait à son pays natal, ait été révolté des pratiques de la cour de Charles, et quoiqu’il ne fût pas impliqué dans le projet des régicides, il partit pour la province de la baie de Massachusetts, dans les premières années du règne de ce prince.

Il ne fut pas difficile à un homme du rang et de la réputation de Reginald Lincoln d’obtenir des emplois honorables et lucratifs dans les plantations ; et lorsque l’ardeur qu’il avait mise jusqu’alors à s’occuper des matières spirituelles se fut un peu calmée, il ne manqua pas de donner une partie convenable de son temps aux soins des choses temporelles. Néanmoins, jusqu’au jour de sa mort, il continua à être un austère et zélé fanatique, semblant