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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/94

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déléguer à d’autres l’autorité dont ils étaient eux-mêmes revêtus. Le temps, la patience et le zèle triomphèrent pourtant de tous les obstacles, et les hommes respectables envoyés en Angleterre par l’église d’Amérique y retournèrent revêtus des grades les plus élevés de leur communion. Ils eurent alors le droit d’ordonner de nouveaux ministres, et des missionnaires furent chargés de parcourir les établissements nouvellement formés, pour y répandre les germes de la parole divine, et les faire fructifier.

M. Grant était de ce nombre. Il avait été envoyé dans le district dont Templeton était en quelque sorte la capitale. Marmaduke l’avait invité à fixer sa demeure dans ce village, où il lui avait fait préparer une habitation pour lui et sa famille. M. Grant s’y était installé quelques jours avant le départ du juge pour aller chercher sa fille ; mais il n’avait pas encore commencé l’exercice de ses fonctions, la chaire ayant été accordée pour le dimanche suivant à un ministre presbytérien. Ce rival ayant passé comme un météore qui brille un instant et ne laisse après lui aucune trace, Richard Jones, à sa grande satisfaction, fit annoncer dans les rues de Templeton et dans tous les environs, « que dans la soirée de la veille de Noël, le révérend M. Grant célébrerait l’office divin dans la grande salle de l’académie de Templeton, suivant les formes de l’église épiscopale protestante. »

Cette annonce fit beaucoup de bruit parmi les sectaires, qui, quoique divisés d’opinion entre eux, se réunissaient pour réprouver les dogmes de l’église épiscopale. Quelques-uns murmurèrent ; d’autres se permirent des sarcasmes ; mais la très-grande majorité, se rappelant les essais qu’avait déjà faits Richard Jones, et la libéralité des idées, ou plutôt le relâchement des principes de Marmaduke à ce sujet, jugea que le plus prudent était de garder le silence.

Ou n’en attendait pas moins avec grande impatience le soir où un nouveau ministre devait porter la parole pour la première fois, et employer dans le culte public des formes toutes nouvelles pour un grand nombre des habitants. La curiosité ne diminua nullement lorsque, dans la matinée de ce jour mémorable, on vit Richard et Benjamin sortir du bois voisin, portant chacun sur ses épaules un gros fagot de branches d’arbres verts. Ce digne couple entra dans l’académie et en ferma ensuite soigneusement la porte mais ce qu’ils y firent resta un secret pour tout le village, car