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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/163

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prit ? Pourquoi tirez-vous ainsi les cheveux et les vêtements de l’enfant ? Vous ne pouvez lui rendre aucun service à présent ?

— Voyez, s’écria Esther, tirant des habits de son frère le plomb fatal qui avait terminé si promptement les jours d’un jeune homme vigoureux, voici la balle qui lui a donné la mort !

Ismaël le prit dans ses mains et l’examina longtemps.

— Il n’y a pas à s’y méprendre, murmura-t-il entre ses dents serrées ; cette balle a appartenu au maudit Trappeur. Comme la plupart des chasseurs, il a une marque particulière dans son moule, afin de reconnaître le gibier qu’il abat, et vous la voyez bien distinctement : six petits trous placés en croix.

— J’en puis faire serment ! s’écria Abiram avec un air de triomphe ; il m’a montré lui-même cette marque en se vantant du nombre de daims qu’il avait tués dans la Prairie avec de pareilles balles. Me croirez-vous à présent, Ismaël, quand je vous dis que ce vieux coquin est un espion des Peaux Rouges ?

Le plomb fatal passa de main en main, et malheureusement pour la réputation du vieillard, plusieurs de ces jeunes gens se souvinrent aussi de lui avoir vu des balles semblables, lorsqu’ils avaient examiné avec curiosité tout son accoutrement. Indépendamment de cette blessure, Asa en avait reçu plusieurs autres moins dangereuses, et qu’on regarda comme autant de preuves du crime dont on accusait le Trappeur.

Depuis l’endroit où l’on avait trouvé les premières traces du sang, jusqu’au petit bois vers lequel on croyait généralement qu’Asa avait battu en retraite pour y chercher un refuge, on remarqua plusieurs emplacements qui semblaient avoir été le théâtre d’une lutte. Cette circonstance fut interprétée comme une nouvelle preuve de la faiblesse du meurtrier, qui aurait achevé plus promptement sa victime si la vigueur du moribond, due à sa jeunesse, ne l’eut rendu encore formidable pour un adversaire chargé du poids de tant d’années. La crainte d’attirer sur le lieu quelqu’un des autres chasseurs, s’il tirait une seconde fois, parut un motif suffisant pour expliquer pourquoi il n’avait pas rechargé son fusil après avoir blessé son antagoniste. L’arme du défunt ne se trouva point : son assassin s’en était sans doute emparé, ainsi que de plusieurs objets plus légers, qu’Asa portai ordinairement sur lui.

Mais ce qui, indépendamment de la balle, semblait faire peser plus particulièrement sur le Trappeur le soupçon du crime dont