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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/17

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était bornée, de deux côtés, par les collines graduelles et presque insensibles qui donnent leur nom à ce genre de prairie dont nous avons parlé, tandis que la perspective des deux autres, se prolongeant dans un espace étroit et resserré, ne montrait qu’une végétation grossière, quoique assez abondante. Du haut de ces collines, de quelque côté que l’œil plongeât, il était fatigué de l’uniformité d’un paysage dans lequel tout glaçait d’horreur. La terre ressemblait assez à l’océan lorsque ses vagues fatiguées se soulèvent pesamment après que l’agitation et la fureur de la tempête ont commencé à se calmer. C’étaient ces mêmes ondulations régulières, cette même absence d’objets étrangers, cette même étendue immense n’ayant d’autres bornes que l’horizon. Le géologiste sourira sans doute d’une théorie aussi simple, mais telle était la ressemblance que la terre avait avec l’eau, qu’un poëte n’aurait pu s’empêcher de sentir que la formation de l’une avait été produite par la retraite successive de l’autre. De distance en distance un grand arbre, sortant du creux des vallées, étendait au loin ses branches flétries, comme quelque vaisseau isolé ; et, pour ajouter à l’illusion, sur le plan le plus reculé s’élevaient deux ou trois bouquets d’arbres touffus, qui semblaient, au milieu de l’horizon brumeux, autant d’îles assises sur le sein des eaux. Il est inutile d’avertir le lecteur qui a voyagé que l’uniformité de la surface et la position peu élevée des spectateurs exagéraient les distances ; mais cependant, à voir les îles se succéder et les collines s’élever l’une après l’autre aussi loin que l’œil pouvait s’étendre, on était obligé de faire cette réflexion décourageante qu’il faudrait traverser une bien longue étendue de pays, des plaines en apparence interminables, avant que les espérances du plus humble agriculteur pussent être réalisées.

Malgré cela, le chef des émigrants n’en poursuivait pas moins fermement sa route ; et, sans autre guide que le soleil, il tournait résolument le dos au séjour de la civilisation, et à chaque pas il s’enfonçait davantage dans les repaires des barbares et sauvages habitants du pays. Cependant, lorsque le jour commença à toucher à sa fin, son esprit, incapable sans doute de former un plan suivi pour l’avenir, et n’ayant d’autre prévoyance que celle qui se rattachait au moment présent, parut s’occuper des moyens de pourvoir aux besoins de sa troupe à l’approche de la nuit.

Arrivé sur le haut d’une colline qui était un peu plus élevée que les autres, il s’arrêta un instant, et jeta à droite et à gauche un