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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/208

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tion, au philosophe de la nature, en reculant de deux pas de l’endroit où l’avait fait avancer son excès de courage, afin de pouvoir lui répondre plus à l’aise, et avec plus de liberté dans ses gestes et dans son attitude.

— Un homo est certainement un homo, dit-il en étendant un bras d’une manière imposante, et avec l’air d’un homme qui va argumenter ; en tout ce qui concerne les fonctions animales, il y a des liens d’harmonie, d’ordre, de conformité et de dessein qui réunissent le genre tout entier ; mais la ressemblance ne va pas plus loin. L’homme peut être dégradé par l’ignorance, et repoussé jusqu’au dernier point de la ligne qui le sépare de la brute, ou bien il peut être élevé par la science, et rapproché du grand Être qui dirige tout. Je suis même porté à croire que, s’il en avait le temps et l’occasion, il pourrait arriver à la connaissance parfaite de toutes les sciences, et par conséquent devenir égal au grand principe moteur de toutes choses.

Le vieillard, qui était appuyé sur son fusil d’un air pensif, secoua la tête, et lui répondit avec une fermeté naturelle qui éclipsa tout à fait l’air d’importance que son antagoniste avait jugé à propos de prendre.

— Tout cela n’est ni plus ni moins que de la perversité humaine. Les saisons ont changé quatre-vingt-six fois depuis que je suis sur la terre, et pendant tout ce temps j’ai vu les arbres croître et mourir, et cependant je ne sais pas encore pourquoi le bouton s’ouvre sous le soleil du printemps, ou pourquoi la feuille tombe quand elle sent la première gelée. Votre science, quoiqu’elle soit la vanité de l’homme, n’est que folie aux yeux de celui qui siège sur les nuages, et qui jette un regard de pitié sur l’orgueil et la sottise de ses créatures. J’ai passé bien des heures étendu sous l’ombre des bois, ou couché sur les collines de ces campagnes découvertes, levant les yeux vers le firmament, où je pouvais m’imaginer que le grand Être a placé son tronc, et réfléchissait sur les voies bizarres des hommes et des brutes, comme moi-même j’avais bien des fois vu des fourmis se passer sur le corps les unes des autres dans leur empressement, mais d’une manière plus convenable à sa puissance et à sa dignité. La science, dites vous ! c’est son joujou que la science. Vous qui croyez si facile d’arriver à la connaissance de toutes choses, pouvez-vous me dire quel en a été le commencement et quelle en sera la fin ? Mais, puisque votre métier est de guérir les maladies et les blessures,